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Le blog de Frédéric Delorca

L'anti-impérialisme est-il encore une cause de gauche ?

2 Mai 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Colonialisme-impérialisme

Au milieu du 20 ème siècle, la cause de l'émancipation du Tiers-Monde et de la lutte contre les lobbys militaristes était une cause marquée à gauche, même si toute une partie de la gauche officielle était très loin d'y souscrire pleinement (voir par exemple le rôle de la SFIO dans la répression du FLN en Algérie).

Le thème de "l'ingérence humanitaire" il y a 20 ans a commencé à "faire bouger les lignes", quand quelqu'un comme Alain Touraine (socialiste bon teint, solidaire des mouvements de gauche en Amérique latine) appelait à une intervention militaire en Roumanie pour favoriser le renversement de Ceaucescu. La guerre de Yougoslavie fut le théatre d'un ralliement massif de la gauche (y compris du PCF, même s'il y mit des nuances et des réserves) à l'idée d'une intervention militaire de l'OTAN contre les Serbes. A l'opposé, de vieux conservateurs gaullistes en France, reaganiens aux Etats-Unis, voire des réactionnaires tendance FN, exprimaient leur opposition à l'aventurisme militaire dans les Balkans et à ses prolongements à l'encontre de la Russie.

L'extrémisme des néo-conservateurs étatsuniens à partir de 2001 a redynamisé l'anti-impérialisme de la gauche (à l'intérieur du mouvement altermondialiste), mais aussi favorisé diverses nouvelles formes d'anti-impérialisme, "ni de droite ni de gauche", aussi bien dans la mouvance d'un Alain de Benoist, que dans des réseaux communautaires d'inspiration musulmane (le Parti anti-sioniste, proche de l'Iran, dont Dieudonné semble avoir rejoint la ligne, me paraît illustrer cette nouvelle tendance).

Une autre nouveauté me semble être cette année l'adhésion de membres (et même d'élus) de partis modérés, du centre-droit et du centre-gauche, à des thèses ouvertement anti-impérialistes qui, naguère, révulsaient profondément leur famille politique.

A propos de Cuba un ami me racontait ceci ce matin :

"Patrick Tréminge (ex membre du PCF aujourd'hui UMP) ex-député RPR du 13 ème est conseiller municipal de Paris et Conseiller régional Ile de France. Sa proposition d'aider matériellement Cuba et Haïti suite au cyclone a été votée au Conseil de Paris. En revanche la proposition que le Conseil régional d'Ile de France débloque une somme pour Cuba été rejetée en sous-commission par les élus PS et PCF au prétexte (faux si l'on compare) que cela n'avait jamais été fait par le Conseil régional. Elle n'a donc jamais pu même être soumise au vote. (...) Le Parti communiste cubain a décidé qu'il pourrait désormais entretenir des rapports avec tout parti français qui le souhaiterait, et il n'est pas impossible que le PC cubain établisse des contacts parti/parti avec l'UMP puisque en France, selon les Cubains, la "gauche" n'est pas plus à "gauche" que la "droite" (surtout vu que les articles de l'Huma sur Cuba sont signés Janette Habel qui est une militante LCR / NPA, très anti castriste)."

Cette nouvelle attitude du PC cubain montre que pour La Havane l'anti-impérialisme français n'est plus exclusivement dans le camp des partis de gauche. Je le constate aussi moi-même quand je vois que mon livre sur la Transnistrie est cité par Radio France internatonale, et boycotté par l'Humanité Dimanche.

Mais la question de Cuba, révélatrice d'une ambiance générale, n'est pas la seule. Voilà un an j'ai découvert que des électrices du Modem étaient très enthousiastes pour l'Atlas alternatif. Et, le mois dernier, j'ai même rencontré une élue de ce Parti qui est une admiratrice de Chomsky et qui voudrait convaincre François Bayrou d'aller plus loin dans la voie de l'anti-impérialisme.

Je me demande si l'anti-impérialisme, en étant de plus en plus déconnecté d'un projet de refonte de la société, n'est pas en train de devenir une cause parmi d'autres, comme la défense des pandas ou de la forêt amazonienne.
 
Peut-être bientôt  tous les partis politiques inviteront-ils les auteurs de l'Atlas alternatif et s''inspireront-ils de leurs écrits. Dans chaque parti il y aura des anti-impérialistes (qui défendront le monde multipolaire), et des partisans de la croisade droit-de-l'hommiste, et les candidats aux élections dans chaque parti feront le grand écart entre ces deux tendances en faisant des discours en demi-teinte "vive la supériorité universelle de l'Occident, MAIS dans un esprit de dialogue et de respect des souverainetés".
 
Cette dissémination de la pensée anti-impérialiste dans tout le panel de la représentation politique nationale (et européenne) serait-elle une trahison de sa "pureté originelle" ou au contraire sa meilleure consécration possible, la possibilité de lui donner au fond le plus grand impact face aux logiques de "choc des civilisations" ?

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