"Julien dit l'Apostat" de Jerphagnon, "Métronome" de Deutsch, le déclin de Madonna
27 Juillet 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Antiquité - Auteurs et personnalités
Il m'est arrivé de dire pis que pendre des écrits de feu Lucien Jerphagnon, surtout ceux des années 80 (qui pourtant me plaisaient à 25 ans) à cause de leur anticléricalisme sommaire. Je dois dire que son ouvrage relativement récent échappe à mes reproches antérieurs. C'est même un très bon livre sur un sujet passionnant : l'expérience solitaire d'un homme qui, porté au pouvoir par un coup du sort, tenta d'imposer au monde une passion de jeunesse personnelle (le paganisme), alors que la société romaine très christianisée depuis 40 ans n'avait même plus suffisamment de prêtres qualifiés pour en dispenser le culte.
C'est un livre émouvant et assez crédible (d'ailleurs préfacé par Paul Veyne) que nous propose Jerphagnon. On y découvre le beau fantasme nourri par un empereur né dans une famille chrétienne mais qui avait trop lu Homère et Hésiode et les avait pris au sérieux pour résister à son entourage. Il avait restauré le culte solaire, le platonisme et les trésors poétiques de l'hellénisme en les remaniant un peu à sa sauce personnelle (tolérante au début, puis bêtemet fanatique ensuite en excluant les chrétiens des chaires de philosophie - heureusement sans jamais provoquer d'effusions de sang - puis en multipliant les maladresses, jusques et y compris dans sa "croisade" païenne antiperse).
Avec beaucoup de finesse Jerphagnon rend compte des mérites et des égarements de cet empereur né trop tard dans un siècle déjà trop chrétien, de la logique intime de ses actes (y compris de son projet de rendre aux Juifs le temple de Jérusalem et leur Terre Sainte) sans rien cacher de ce qu'il y eut de trop naïf (et parfois criminellement naïf) dans sa démarche.
Au fond cette entreprise de restauration du paganisme n'aura duré que quatre années, mais c'est déjà beaucoup comparé à tant de révolutions politiques ou réformes religieuses tuées dans l'oeuf. Personnellement j'aime toujours les expériences politiques à contre-courant comme le coup d'Etat des militaires soviétiques en 1991, cela a quelque chose de délicieusement donquichottesque et de profondément mélancolique. Sauf que Julien était peut-être trop muré dans ses erreurs pour concvoir à quel point son entreprise était inadaptée à son époque, et donc en saisir lui même la grandeur tragique (ce qui en faisait la beauté réelle).
Je pourrais vous parler longuement des remarques importantes de Jerphagnon sur l'hostilité de l'hédoniste ville d'Antioche au mélange d'ascétisme païen et de charité copiée des chrétiens que Julien voulait lui imposer, de l'histoire du temple de Daphné et de tant d'autres choses, mais laissons cela pour une autre fois peut-être.
Au passage il faut ici saluer le mérite du comédien Lorant Deutsch d'avoir dans son émission TV Métronome rendu justice à la présence de Julien à Lutèce (sur le site de l'actuel palais de justice) et aux conditions de son couronnement par les troupes gauloises et germaniques (dont Jerphagnon parle mieux). Je signale d'ailleurs que je ne partage guère l'hostilité du Front de gauche parisien au travail de Deutsch qui a le mérite quand même de faire de la bonne vulgarisation, intégrant des recherches récentes (comme sur la présence des vestiges de la Lutèce gauloise à Nanterre). Je ne crois pas qu'il soit juste de reprocher à Deutsch d'avoir fait la part trop belle au rôle ds rois. Celui est toujours nécessairement décisif dans l'aménagement de la capitale d'un royaume.
Et puisque nous en sommes au affaires parisiennes, je lisais ce soir un article sur le fiasco de Madonna à l'Olympia : un concert à plus de cent euros qui ne dure que trois quarts d'heures. Quand on prétend faire la leçon politique au monde avec notamment cette vidéo grotesque montrant la responsable du FN avec une moustache hitlérienne le minimum est de faire preuve de professionnalisme artistique. Etre bon dans son domaine de prédilection avant de ce poser en conscience universelle dans les autres secteurs. Or elle avait déjà eu 1 h 30 de retard à Dubaï en juin. Berlusconi accusait Madonna d'être communiste, mais c'est sans doute lui faire bien trop d'honneur. En tout cas à trop vouloir monopoliser la tête d'affiche depuis trop longtemps et s'enivrer de ses succès comme l'empereur Julien, elle court le risque de finir piteusement comme lui...
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