Un billet pour mes lecteurs les plus fidèles
25 Janvier 2013 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Ecrire pour qui pour quoi
Mes chers lecteurs, vous le savez : la maxime delphique et socratique est toujours vraie : "Connais toi toi-même". Et pour se connaître bien il faut aussi connaître son époque, cela va de pair, parce que c'est l'époque qui définit le potentialités de l'action des individus, et oriente ce qu'ils sont. Et quand je dis l'époque, c'est l'époque dans toutes ses nuances : par exemple la période actuelle, celle de François Hollande, celle de la guerre du Mali, celle de ma prise de distance avec un certain intégrisme anti-impérialiste, n'est pas la même que le temps (2009) où Chavez promettait du pétrole pour les banlieues populaires américaines et européennes, et où je prenais des verres avec Houria Bouteldja (et la différence ne tient pas tant à mon évolution individuelle, qu'à l'évolution des rapports de forces, et de "ambiances" sociales au niveau national et mondial auxquels nécessairement nos cerveaux s'adaptent pour toujours redéfinir, non seulement le champ des possibles mais aussi le champ de ce qui doit être).
Se connaître soi-même quand on est blogueur et un peu écrivain, cela veut dire déterminer ce qu'on écrit et pour qui on écrit. Pour ma part j'ai les idées très claires désormais : je n'écris pas pour un grand nombre de personnes. Bien sûr il m'arrive de rédiger tel ou tel texte un peu construit comme une sorte de vade mecum que des tas de gens peuvent utiliser sur un sujet donné. Par exemple certains de mes billets récents sur le Mali sont utilisés ici ou là comme des supports de débat par des gens qui ne connaissent pas le reste de mes travaux. Ou encore je peux pondre un livre pour rendre service à de sans-voix comme je l'ai fait sur l'Abkhazie, un livre qui pourra être lu par un très grand nombre de gens. Mais être lu par le plus grand nombre ne me dit rien qui vaille. Parce que pour moi, plus que ce que j'écris ponctuellement, ce qui compte c'est mon cheminement, et donc tout le savoir que celui-ci m'apporte, et que j'essaie de tenir toujours présent, avec ses évocations et ses nuances, à chaque étape de mon écriture.
Voilà pourquoi j'écris au fond uniquement pour mes lecteurs les plus fidèles - qui se manifestent de temps en temps sur ce blog. Ceux qui étaient déjà là quand je faisais la promo de l'Atlas alternatif en 2007, ou quand je prenais mes fonctions à Brosseville en 2009. Ces 30 % de visiteurs qui se connectent directement à ce blog sans passer par des recherches par mots clés ou par des liens sur d'autres sites. Ces visiteurs qui ont mon blog dans leurs signets et qui lisent du Delorca pour lire du Delorca. Et tant pis si cela me condamne à rester un auteur marginal et confidentiel.
A ces fidèles-là je veux dire que je comprends qu'ils soient parfois un peu perdus au milieu de mes pérégrinations dans les lectures littéraires, les recherches historiques etc. Beaucoup voudraient peut-être me voir me consacrer de façon plus complète et plus cohérente à la construction d'un projet politique (dans le registre du combat anti-guerre, ou de l'utopie révolutionnaire) ou à l'écriture d'une oeuvre sociologique ou romanesque.
Je comprends votre frustration devant ce côté un peu fragmentaire de mes travaux sur ce blog et ailleurs, et de mon engagement. Mais je suis, comme vous, en un sens (bien que je déteste la victimisation) victime d'un ordre social où toutes les forces de changement sont atomisées. Donc comme vous chaque jour je bosse pour un métier qui me laisse peu de temps et peu de liberté pour écrire et pour me battre, un métier où je passe pour un gentil érudit mais où l'on m'attend toujours au tournant pour me coller une lame de couteau sous la gorge. Comme vous je respire dans une société qui n'a rien à foutre des écrivains, où les éditeurs indépendants n'arrivent à rien, où il n'y a aucune force politique structurée pour nourrir et financer (car le nerf de la guerre est toujours économique) des recherches politiques et intellectuelles un peu originales. C'est cela qui fait que personne ne parvient vraiment (pas même les profs et encore moins les profs étranglés par leur rôle de pédagogue) à construire des théories solides sur des sujets aussi graves que la non-ingérence dans les relations internationales ou la société sans travail en économie, Et pour cette raison aussi, seuls quelques activistes outranciers surnagent comme Michel Collon (je pense à lui à cause d'un commentaire récent d'un lecteur ici), avec du ready made intellectuel directement diffusable sur You Tube et Facebook mais complètement déconnecté du rée (ceux qui ont regardé Ce soir ou jamais cette semaine ont vu comment deux chanteuses maliennes explosaient à chaque fois son propos en quelques phrases).
Donc voilà, je demande juste votre indulgence pour les 15 dernières années d'engagement politique et d'écriture qui, en ce qui me concerne, n'ont pas débouché sur ma participation à quelque mouvement politique solide que ce soit, ni a fortiori à sa constitution et ne m'ont pas permis non plus d'écrire aucun livre de grande envergure sur aucun sujet (je m'efforce en ce moment de faire publier un compte-rendu de ces 15 ans aux éditions "Aux Forges de Vulcains" mais il ne semble pas que le comité de lecture soit très enthousiaste). Je ne vous cache pas que l'avenir de mon travail intellectuel est des plus sombres. Compte tenu de mes difficultés au quotidien, je peux tout juste envisager de tenter de publier un livre sur la Seine-Saint-Denis chez l'Harmattan (je l'ai posté cet après-midi mais je sais que cet éditeur ne m'aime pas, donc ce sera assez dur) et de gratter quelques billets éphémères et insignifiants ici de temps en temps. Je ne peux rien espérer de plus.
Subjectivement je voudrais faire plein de choses : monter un média alternatif avec un grand journaliste que je connais, écrire une vaste analyse en géopolitique, mener des expériences utopiques in vivo avec mes amis d'Emmaüs-Lescar dont je vous ai parlé il y a peu, prendre un avion pour recueillir des infos sur quelque groupe humain condamné au silence, aider les rebellles à se fédérer.
Mais objectivement je sais qu'à peu près rien ne sera possible dans les douze mois qui viennent. Il me semble que je me devais de vous en tenir informés.
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