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Le blog de Frédéric Delorca

Articles avec #antiquite - auteurs et personnalites tag

Syrie, Fabius, Pompée, Lucullus

23 Août 2013 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Antiquité - Auteurs et personnalités

Un ami cet après-midi : "Alors ces massacres à l'arme chimique en Syrie : montage ou vrai crime ?" Moi : "Je penche pour un montage - y compris une attaque au gaz par des rebelles déguisée en agression par les armées loyalistes -, la propagande de guerre nous en fait de bien lourds depuis 20 ans. Mais il est vrai qu'il y a un petit doute, vu que les videos se multiplient. Si cela vient du camp d'Assad c'est une connerie - il se tire une balle dans le pied au moment où il reconquiert du terrain. Mais des conneries de ce genre on en a vu aussi, d'autant qu'après 2 ans de guerre civile Assad contrôle moins la société qu'avant la guerre. Ce peut être un délire d'un chef local, va savoir."

 

En tout cas j'ai été choqué de voir Fabius parler d'une possible action de l'Europe "même sans l'aval de l'ONU", ce qui est digne de George W Bush. Heureusement que personne ne prend Fabius au sérieux. Même l'opposition syrienne ne l'a pas cru.

 

Lundi soir la "Une" du Monde "L'indignation ne suffit pas". Des bombes, du sang, ils en veulent. Le Monde fait les mêmes "unes" depuis 20 ans à toutes les guerres.

 

Bon si vous vous ennuyez jetez un oeil à mon article sur l' "Erdogan roumain" sur le blog de l'Atlas alternatif.

 

Moi je lisais Plutarque ce soir. Il a des lignes émouvantes sur Julia, la fille de César, morte en couches à 29 ans en 54 av JC par amour pour son mari Pompée, qui avait pourtant plus de 50 ans (elle s'est évanouie quand la toge de son mari fut maculée de sang). L'histoire d'amour entre Julia et Pompée (le rival de césar pour la tyrannie à Rome) est très belle. Et l'on peut gager que son amour pour Pompée ne fut pas complètement aveugle (même si l'histoire aujourd'hui minimise la personnalité de cet homme). Pompée d'ailleurs juste après le triumvirat qui lui attribuait l'Afrique et les deux Espagnes négligea ses provinces et préféra rester à Rome où il inaugura son théâtre en organisant des combats de lions et d'éléphants qui marquèrent les esprits (n'oubliez pas que dix ans plus tard, c'est dans ce même théâtre que César allait mourir au pied de la statue de Pompée mort en 48). Il fit cela pour sa femme, Plutarque n'a pas le moindre doute là dessus (et ce genre de détail intéresse beaucoup Plutarque, qui fait de la philosophie à partir de l'histoire, ce que les historiens actuels lui reprochent, et ce que précisément j'aime en lui).

 

Les historiens n'aiment pas trop les histoires d'amour, qui empêchent l'Histoire et ses personnages de donner toute leur dimension. Pompée, à n'en pas douter, avait un côté un peu trop fleur bleue. Juste après avoir obtenu le consulat pour lui tout seul (déjà la quasi-dictature) pour défendre Rome contre César (prêt à franchir le Rubicon), il ne trouve rien de plus urgent que d'organiser de nouvelles noces, et épouser une fille du clan Scipion tout aussi jeune pour que la défunte Julia. Cela lui fut d'ailleurs beaucoup reproché. Il y a dans le choix de l'amour une volonté de reculer devant les responsabilités publiques, une volonté justement de ne pas franchir le Rubicon, qui déçoit toujours les amateurs de grands récits et de grandes fresques. Mais ceux-ci, eux-mêmes, le plus souvent ne prennent pas beaucoup de risques personnels et vivent leur vie par procuration. Pompée déçoit, comme Lucullus avec ses jardins et son platonisme. Mais leurs hésitations ou leurs retraites, sont souvent plus chargées de valeur éthique que les délires conquérants de César.

 

En minute 3'39 ci dessous, Pompée avec Cicéron dans l'affligeante série Rome. Ha ha ha, juste pour rire.

 

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Le Xerxès en Toge

2 Juin 2013 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Antiquité - Auteurs et personnalités

Lucullus dine chez Lucullus, tout le monde connaît le proverbe. Mais du général Lucullus les gens savent peu de choses.

romans.jpgJe relisais hier sa Vie sous la plume de Plutarque. Au fond il fut un lieutenant du parti du Sénat, comme tant d'autres, et un homme du clan de Caton. Dès avant Pompée (qui lui succéda en Asie) il fut de ces généraux qu'on n'utilise mais dont on se méfie. Triste sort de la République.

Je suppose que les Arméniens d'aujourd'hui le détestent. Il a ravagé ce pays après avoir mis en fuite ce fameux Mithridate du Pont dernier héros de la résistance grecque (quoiqu'il fût à moitié barbare) à l'oppression romaine.

Ce qui m'intrigue moi, c'est que très riche et très influent, il se soit complètement de la vie publique à 52 ans, après qu'on lui eût préféré Pompée. Il pouvait encore jouer un rôle pour défendre le parti nobiliaire, mais effrayé par le guerre civile qui pointait son nez, il s'est replié sur ses jardins en Campanie et à Rome (sur le terrain de l'actuelle villa Médicis notamment). Quand on lit les résumés de sa vie, ce repli sur l'hédonisme paraît aller de soi. Dans le détail il ne l'est pas. Les aristocrates romains étaient éduqués dans le culte du bien public. C'était un devoir dû au ancêtres.

Lui choisit le parti du Beau, qui, dans son cas, ne s'identifie plus au juste. Il ne va pas "cultiver son jardin", mais édifier les plus beaux jardins d'agrément de Rome, et avoir la table, la collection d'oeuvres d'art, et les bibliothèques les plus somptueuses, au risque de mériter à Rome le titre de Xerxès en Toge (c'est à dire le tyran oriental à la légion d'honneur si l'on veut).

Pourquoi ? Il y a dans ce choix peut-être quelque chose de profondément platonicien (même si cela confine à l'épicurisme). Un peu comme le néo-platonisme (lui aussi dans un jardin magnifique) de Marsile Ficin à Florence, auquel la Renaissance italienne et européenne doit tant. A ce titre cela ne peut que m'intriguer...plato-copie-1.jpg

Je me faisais récemment la réflexion que l'ordre mondial actuel est comme la République romaine finissante. Il y a le Sénat (le Conseil de Sécurité de l'ONU), les Comices (l'assemblée générale) et les voix des pauvres que les puissants achètent, avec des bandes armées (l'OTAN) pour maintenir l'ordre. Il faut être du côté de Caton d'Utique dans ce combat là.

Mais revenons à Lucullus. Il capitula malgré le rôle qu'il pouvait jouer. De nos jours la plupart capitulent sans pouvoir jouer aucun rôle, et sans avoir le moindre jardin, coincés dans une petite chambre devant Internet. Tout cela est si petit vraiment. Dites moi, amis lecteurs, aimeriez vous mieux recevoir des millions du régime d'Obiang ou, comme certains gauchistes, de l'émirat du Qatar ? C'est juste une question qui me traversait l'esprit en rédigeant mon papier sur la Guinée équatoriale tantôt.

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Le singe de Cléopâtre

2 Mars 2013 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Antiquité - Auteurs et personnalités

En 1991, Bourdieu au collège de France avait illustré la théorie de l'habitus clivé par une anecdote qu'il avait, disait-il, trouvée chez je ne sais plus quel auteur anglais, d'un singe qui se tenait très bien à table comme un parfait gentleman, fumait le cigare et jouait aux cartes, mais sursautait à chaque fois qu'il entandait casser une noir derrière lui, trahissant ainsi sa nature profonde.

Le pauvre plouc abruti que j'étais (et que je suis resté) ne pouvait qu'être touché par cette anecdote, et, dans l'amphithéâtre, se sentir lui-même un peu singe.

Bonobo.jpgEt puis voilà qu'aujourd'hui je tombe sur un opuscule de Lucien de Samosate, un auteur contemporain de Marc-Aurèle. Et de quoi parle-t-il ? Du singe de Cléopâtre, qui avait appris à danser et faire parfaitement la comédie, mais qui s'arrêtait net au milieu de son spectacle quand il voyait des figues au sol, retrouvant ainsi sa nature première.

Notez d'ailleurs que Lucien de Somosate était une illustration de l'habitus clivé, lui qui était né dans une famille de petits commerçants syriens dépourvue d'une fortune suffisante (et du rang) pour lui permettre la carrière d'écrivain et de haut fonctionnaire qui allait être la sienne (il s'en explique très bien dans ses textes).

Plusieurs possibilités : la mémoire de Bourdieu (qui improvisait souvent au Collège de France) avait peut-être été défaillante (les grands maîtres du structuralisme et du poststructuralisme étaient loins d'être infaillibles). Ou alors un auteur anglais a réellement réinventé l'histoire du singe sans indiquer qu'il plagiait Lucien de Samosate. Ce ne serait pas étonnant, quand on sait combien d'auteurs cardinaux de notre culture (Cervantès, Racine et tant d'autres) ont allègrement pillé l'esprit et la lettre des romans gréco-latins de l'époque hellénistique et impériale.

N'empêche que pour ma part je préfère l'original à la copie. Cette légende est touchante, comme cette autre qye rapporte Plutarque d'un homme qui chérissait tant son singe que César, le croisant sur son chemin, lui demanda si dans son pays il n'y avait point d'enfants pour devoir accorder ainsi leur affection aux bêtes. Cette anecdote là, montre que, contrairement à ce qu'affirment nos incultes sociologues, l'affection dans le cadre familial n'est pas une "invention" de la modernité bourgeoise. Et puis elle relie Cléopâtre et César autour d'histoires de primates. Les versions originales valent mieux que les remakes britanniques.

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Apology for the preceding epistle (p. 367)

"The same thing happened to you as to the celebrated Cleopetra's monkey. She had the creature taught to dance, they tell us, and the monkey really attained to such proficiency, that it danced the hymenaeus very featously according to rule and with much propriety and observance of the character it represented. But no sooner the anial descry a few figs or almonds (which a facetious spectator had thrown unperceived upon the stage) but in a twinkling the mask was torn off, and the monkey his innate voracity fell to munching, and farewel to the flutes, the songs and the dances !

http://fr.calameo.com/read/000107044c6c553abb3ae

 

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Les classiques

4 Janvier 2013 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Antiquité - Auteurs et personnalités

Je partage mes lectures entre les romans gréco-latins et le "Tapis de prière en chair" (un livre chinois du XVIIe siècle, étrange, pas son intérêt technique pour les détails de l'acte de chair).

 

luciano.jpg

Je trouve chez Lucien de Samosate (un Syrien hellénisé qui finit délégué judiciaire du préfet romain d'Egypte), sans son "Histoire véritable" (une sorte de voyage imaginaire à la Cyrano de Bergerac, mais du IIe siècle ap JC) un passage étonnant avec un fleuve de vin et des pieds de vignes sur lesquels sont fixées des femmes nues, mi-humaines mi-plantes, couvertes de grappes, que les hommes ne peuvent pénétrer sous peine de devenir eux aussi des végétaux.

 

Quel dommage que nos cinéastes contemporains ne s'intéressent point aux auteurs antiques comme le faisait Pasolini. Cela donnerait de bons films...

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Plutarque - Vies d'Agis et de Cléomène

1 Septembre 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Antiquité - Auteurs et personnalités

sparta.jpgSi vous n'avez rien à faire ce weekend, jetez donc un coup d'oeil aux Vies d'Agis et  de Cléomène de Plutarque. Ce n'est pas souvent qu'un auteur antique dit du bien d'un projet de réforme "de gauche". Et c'est peut-être parce qu'il s'agit de Sparte la "cité des Egaux" par excellence que Plutarque juge "beau" le programme visant à y rétablir l'égalité.

 

La ville, sous la domination de Philippe de Macédoine et d'Alexandre avait laissé les riches s'enrichir et les pauvres s'appauvrir ne pouvait plus présenter une armée de conscription convenable. Le jeune roi Agis entreprit une mini-révolution que Roussau n'eût point désavouée : partage des terres et abolition des dettes (bien que celle-ci profitât plus aux riches endettés qu'aux pauvres). Il rencontra le vieux roi rival porte-parole des conservateurs sur son chemin (car il y avait deux rois à Sparte, comme deux consuls à Rome) et, trop clément par nature, finit par périr à cause de sa générosité. Quelques années plus tard le roi Cléomène devait tenter la même expérience. Plus ferme de caractère, il allait, lui, se heurter miitairement aux Macédoniens, et vivre un exil funeste dans l'Egypte décadente de Ptolémée (c'est à cet endroit qu'on trouve l'expression devenue proverbiale "l'argent est le nerf de la guerre").

 

Le récit détaillé de Plutarque est très intéressant. Il nous plonge dans cet univers au fond assez peu connu de Sparte avec ses institutions aussi complexes que celles d'Athènes, notamment les "éphores", qui sont des magistratures "démocratiques" dans un système aristocratique, comme les tribuns dans la République romaine.

 

Il y a aussi chez Plutarque de très beaux portraits de femmes spartiates, championnes de la vertu devant la mort. J'ignorais jusque là ce trait, n'ayant conservé que le vague souvenir de l'accent marseillais dont certains traducteurs français affublaient l'héroïne spartiate du Lysistrata d'Aristophane pour rendre les tournures doriennes de son vocabulaire. Chez Plutarque, la femme spartiate a quand même plus d'allure...

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