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Le Xerxès en Toge
Lucullus dine chez Lucullus, tout le monde connaît le proverbe. Mais du général Lucullus les gens savent peu de choses.
Je relisais hier sa Vie sous la plume de Plutarque. Au fond il fut un lieutenant du parti du Sénat, comme tant d'autres, et un homme du clan de Caton. Dès avant Pompée (qui lui succéda en Asie) il fut de ces généraux qu'on n'utilise mais dont on se méfie. Triste sort de la République.
Je suppose que les Arméniens d'aujourd'hui le détestent. Il a ravagé ce pays après avoir mis en fuite ce fameux Mithridate du Pont dernier héros de la résistance grecque (quoiqu'il fût à moitié barbare) à l'oppression romaine.
Ce qui m'intrigue moi, c'est que très riche et très influent, il se soit complètement de la vie publique à 52 ans, après qu'on lui eût préféré Pompée. Il pouvait encore jouer un rôle pour défendre le parti nobiliaire, mais effrayé par le guerre civile qui pointait son nez, il s'est replié sur ses jardins en Campanie et à Rome (sur le terrain de l'actuelle villa Médicis notamment). Quand on lit les résumés de sa vie, ce repli sur l'hédonisme paraît aller de soi. Dans le détail il ne l'est pas. Les aristocrates romains étaient éduqués dans le culte du bien public. C'était un devoir dû au ancêtres.
Lui choisit le parti du Beau, qui, dans son cas, ne s'identifie plus au juste. Il ne va pas "cultiver son jardin", mais édifier les plus beaux jardins d'agrément de Rome, et avoir la table, la collection d'oeuvres d'art, et les bibliothèques les plus somptueuses, au risque de mériter à Rome le titre de Xerxès en Toge (c'est à dire le tyran oriental à la légion d'honneur si l'on veut).
Pourquoi ? Il y a dans ce choix peut-être quelque chose de profondément platonicien (même si cela confine à l'épicurisme). Un peu comme le néo-platonisme (lui aussi dans un jardin magnifique) de Marsile Ficin à Florence, auquel la Renaissance italienne et européenne doit tant. A ce titre cela ne peut que m'intriguer...
Je me faisais récemment la réflexion que l'ordre mondial actuel est comme la République romaine finissante. Il y a le Sénat (le Conseil de Sécurité de l'ONU), les Comices (l'assemblée générale) et les voix des pauvres que les puissants achètent, avec des bandes armées (l'OTAN) pour maintenir l'ordre. Il faut être du côté de Caton d'Utique dans ce combat là.
Mais revenons à Lucullus. Il capitula malgré le rôle qu'il pouvait jouer. De nos jours la plupart capitulent sans pouvoir jouer aucun rôle, et sans avoir le moindre jardin, coincés dans une petite chambre devant Internet. Tout cela est si petit vraiment. Dites moi, amis lecteurs, aimeriez vous mieux recevoir des millions du régime d'Obiang ou, comme certains gauchistes, de l'émirat du Qatar ? C'est juste une question qui me traversait l'esprit en rédigeant mon papier sur la Guinée équatoriale tantôt.
Le singe de Cléopâtre
En 1991, Bourdieu au collège de France avait illustré la théorie de l'habitus clivé par une anecdote qu'il avait, disait-il, trouvée chez je ne sais plus quel auteur anglais, d'un singe qui se tenait très bien à table comme un parfait gentleman, fumait le cigare et jouait aux cartes, mais sursautait à chaque fois qu'il entandait casser une noir derrière lui, trahissant ainsi sa nature profonde.
Le pauvre plouc abruti que j'étais (et que je suis resté) ne pouvait qu'être touché par cette anecdote, et, dans l'amphithéâtre, se sentir lui-même un peu singe.
Et puis voilà qu'aujourd'hui je tombe sur un opuscule de Lucien de Samosate, un auteur contemporain de Marc-Aurèle. Et de quoi parle-t-il ? Du singe de Cléopâtre, qui avait appris à danser et faire parfaitement la comédie, mais qui s'arrêtait net au milieu de son spectacle quand il voyait des figues au sol, retrouvant ainsi sa nature première.
Notez d'ailleurs que Lucien de Somosate était une illustration de l'habitus clivé, lui qui était né dans une famille de petits commerçants syriens dépourvue d'une fortune suffisante (et du rang) pour lui permettre la carrière d'écrivain et de haut fonctionnaire qui allait être la sienne (il s'en explique très bien dans ses textes).
Plusieurs possibilités : la mémoire de Bourdieu (qui improvisait souvent au Collège de France) avait peut-être été défaillante (les grands maîtres du structuralisme et du poststructuralisme étaient loins d'être infaillibles). Ou alors un auteur anglais a réellement réinventé l'histoire du singe sans indiquer qu'il plagiait Lucien de Samosate. Ce ne serait pas étonnant, quand on sait combien d'auteurs cardinaux de notre culture (Cervantès, Racine et tant d'autres) ont allègrement pillé l'esprit et la lettre des romans gréco-latins de l'époque hellénistique et impériale.
N'empêche que pour ma part je préfère l'original à la copie. Cette légende est touchante, comme cette autre qye rapporte Plutarque d'un homme qui chérissait tant son singe que César, le croisant sur son chemin, lui demanda si dans son pays il n'y avait point d'enfants pour devoir accorder ainsi leur affection aux bêtes. Cette anecdote là, montre que, contrairement à ce qu'affirment nos incultes sociologues, l'affection dans le cadre familial n'est pas une "invention" de la modernité bourgeoise. Et puis elle relie Cléopâtre et César autour d'histoires de primates. Les versions originales valent mieux que les remakes britanniques.
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Apology for the preceding epistle (p. 367)
"The same thing happened to you as to the celebrated Cleopetra's monkey. She had the creature taught to dance, they tell us, and the monkey really attained to such proficiency, that it danced the hymenaeus very featously according to rule and with much propriety and observance of the character it represented. But no sooner the anial descry a few figs or almonds (which a facetious spectator had thrown unperceived upon the stage) but in a twinkling the mask was torn off, and the monkey his innate voracity fell to munching, and farewel to the flutes, the songs and the dances !
http://fr.calameo.com/read/000107044c6c553abb3ae
Les classiques
Je partage mes lectures entre les romans gréco-latins et le "Tapis de prière en chair" (un livre chinois du XVIIe siècle, étrange, pas son intérêt technique pour les détails de l'acte de chair).
Je trouve chez Lucien de Samosate (un Syrien hellénisé qui finit délégué judiciaire du préfet romain d'Egypte), sans son "Histoire véritable" (une sorte de voyage imaginaire à la Cyrano de Bergerac, mais du IIe siècle ap JC) un passage étonnant avec un fleuve de vin et des pieds de vignes sur lesquels sont fixées des femmes nues, mi-humaines mi-plantes, couvertes de grappes, que les hommes ne peuvent pénétrer sous peine de devenir eux aussi des végétaux.
Quel dommage que nos cinéastes contemporains ne s'intéressent point aux auteurs antiques comme le faisait Pasolini. Cela donnerait de bons films...
Plutarque - Vies d'Agis et de Cléomène
Si vous n'avez rien à faire ce weekend, jetez donc un coup d'oeil aux Vies d'Agis et de Cléomène de Plutarque. Ce n'est pas souvent qu'un auteur antique dit du bien d'un projet de réforme "de gauche". Et c'est peut-être parce qu'il s'agit de Sparte la "cité des Egaux" par excellence que Plutarque juge "beau" le programme visant à y rétablir l'égalité.
La ville, sous la domination de Philippe de Macédoine et d'Alexandre avait laissé les riches s'enrichir et les pauvres s'appauvrir ne pouvait plus présenter une armée de conscription convenable. Le jeune roi Agis entreprit une mini-révolution que Roussau n'eût point désavouée : partage des terres et abolition des dettes (bien que celle-ci profitât plus aux riches endettés qu'aux pauvres). Il rencontra le vieux roi rival porte-parole des conservateurs sur son chemin (car il y avait deux rois à Sparte, comme deux consuls à Rome) et, trop clément par nature, finit par périr à cause de sa générosité. Quelques années plus tard le roi Cléomène devait tenter la même expérience. Plus ferme de caractère, il allait, lui, se heurter miitairement aux Macédoniens, et vivre un exil funeste dans l'Egypte décadente de Ptolémée (c'est à cet endroit qu'on trouve l'expression devenue proverbiale "l'argent est le nerf de la guerre").
Le récit détaillé de Plutarque est très intéressant. Il nous plonge dans cet univers au fond assez peu connu de Sparte avec ses institutions aussi complexes que celles d'Athènes, notamment les "éphores", qui sont des magistratures "démocratiques" dans un système aristocratique, comme les tribuns dans la République romaine.
Il y a aussi chez Plutarque de très beaux portraits de femmes spartiates, championnes de la vertu devant la mort. J'ignorais jusque là ce trait, n'ayant conservé que le vague souvenir de l'accent marseillais dont certains traducteurs français affublaient l'héroïne spartiate du Lysistrata d'Aristophane pour rendre les tournures doriennes de son vocabulaire. Chez Plutarque, la femme spartiate a quand même plus d'allure...
Pythagore
Diogène Laërce, avec ses biographies de philosophes antiques, reste mon principal compagnon de solitude. Je découvre toujours des choses amusantes et instructives dans ces histoires, au milieu du fatras de racontards qu'il véhicule. Je trouve tel scholarque de l'Académie amoureux du luxe et des courtisanes (un "nouvel Aristippe" nous dit Diogène Laërce), j'apprends que Démocrite était un fanatique de Pythagore (alors que ces auteurs me paraissaient incompatibles entre eux).
La figure de Pythagore m'intrigue de plus en plus. Une certaine tradition issue sans doute de l'école républicaine française qui m'a formé m'a poussé à le mépriser au même titre que ceux qu'on nommait autrefois du terme péjoratif de "présocratiques", c'est-à-dire ceux qui ont eu le malheur de naître avant les lumières rationalistes de Socrate. Une fois qu'on est conditionné dans le mauvais sens, il est difficile de faire le chemin à l'envers. J'ai eu beau savoir que Platon lui devait beaucoup, et qu'il y avait du pythagorisme dans les Evangiles (il faut penser toutes les similitudes entre Pythagore et tous les grands fondateurs de religion, le Christ, Bouddha et les autres, car c'est bien ce qu'il fut), je n'ai vraiment commencé à songer à lui que récemment, quand j'ai appris qu'il fut peut être à l'origine du druidisme, et qu'il influença beaucoup les systèmes politiques de l'Italie du Sud.
Comme toujours j'aime à rentrer dans les grandes pensées par les petites choses (un peu comme Derrida en un sens, c'est mon côté "pensée 68"), et je trouve chez Diogène Laërce des considérations stupéfiantes sur le rapport de Pythagore aux fèves, qui éclairent à mes yeux toutes les ambiguïtés des spiritualités antiques, si, par exemple, on les compare aux thèses du premier stoïcisme sur certaines pratiques sexuelles. Je n'en dirai pas plus ici mais il y aurait beaucoup à en dire. Les interdits alimentaires du pythagorisme sont impressionnants et profondément surprenants quand on sait que les règles diététiques n'étaient pas très répandues dans le monde grec en ce temps là. Avoir pensé les interdits est aussi considérable à l'époque, que d'avoir envisagé que la Terre pût être ronde (ce que Pythagore devina avant tous les autres). Je pense que Pythagore risque de jouer dorénavant un certain rôle d'arrière-plan dans mes associations d'idées sur les Grecs, le matérialisme, la rationalité, les réformes politico-religieuses.
ps : une émission qui en parle ici.
"Julien dit l'Apostat" de Jerphagnon, "Métronome" de Deutsch, le déclin de Madonna
Il m'est arrivé de dire pis que pendre des écrits de feu Lucien Jerphagnon, surtout ceux des années 80 (qui pourtant me plaisaient à 25 ans) à cause de leur anticléricalisme sommaire. Je dois dire que son ouvrage relativement récent échappe à mes reproches antérieurs. C'est même un très bon livre sur un sujet passionnant : l'expérience solitaire d'un homme qui, porté au pouvoir par un coup du sort, tenta d'imposer au monde une passion de jeunesse personnelle (le paganisme), alors que la société romaine très christianisée depuis 40 ans n'avait même plus suffisamment de prêtres qualifiés pour en dispenser le culte.
C'est un livre émouvant et assez crédible (d'ailleurs préfacé par Paul Veyne) que nous propose Jerphagnon. On y découvre le beau fantasme nourri par un empereur né dans une famille chrétienne mais qui avait trop lu Homère et Hésiode et les avait pris au sérieux pour résister à son entourage. Il avait restauré le culte solaire, le platonisme et les trésors poétiques de l'hellénisme en les remaniant un peu à sa sauce personnelle (tolérante au début, puis bêtemet fanatique ensuite en excluant les chrétiens des chaires de philosophie - heureusement sans jamais provoquer d'effusions de sang - puis en multipliant les maladresses, jusques et y compris dans sa "croisade" païenne antiperse).
Avec beaucoup de finesse Jerphagnon rend compte des mérites et des égarements de cet empereur né trop tard dans un siècle déjà trop chrétien, de la logique intime de ses actes (y compris de son projet de rendre aux Juifs le temple de Jérusalem et leur Terre Sainte) sans rien cacher de ce qu'il y eut de trop naïf (et parfois criminellement naïf) dans sa démarche.
Au fond cette entreprise de restauration du paganisme n'aura duré que quatre années, mais c'est déjà beaucoup comparé à tant de révolutions politiques ou réformes religieuses tuées dans l'oeuf. Personnellement j'aime toujours les expériences politiques à contre-courant comme le coup d'Etat des militaires soviétiques en 1991, cela a quelque chose de délicieusement donquichottesque et de profondément mélancolique. Sauf que Julien était peut-être trop muré dans ses erreurs pour concvoir à quel point son entreprise était inadaptée à son époque, et donc en saisir lui même la grandeur tragique (ce qui en faisait la beauté réelle).
Je pourrais vous parler longuement des remarques importantes de Jerphagnon sur l'hostilité de l'hédoniste ville d'Antioche au mélange d'ascétisme païen et de charité copiée des chrétiens que Julien voulait lui imposer, de l'histoire du temple de Daphné et de tant d'autres choses, mais laissons cela pour une autre fois peut-être.
Au passage il faut ici saluer le mérite du comédien Lorant Deutsch d'avoir dans son émission TV Métronome rendu justice à la présence de Julien à Lutèce (sur le site de l'actuel palais de justice) et aux conditions de son couronnement par les troupes gauloises et germaniques (dont Jerphagnon parle mieux). Je signale d'ailleurs que je ne partage guère l'hostilité du Front de gauche parisien au travail de Deutsch qui a le mérite quand même de faire de la bonne vulgarisation, intégrant des recherches récentes (comme sur la présence des vestiges de la Lutèce gauloise à Nanterre). Je ne crois pas qu'il soit juste de reprocher à Deutsch d'avoir fait la part trop belle au rôle ds rois. Celui est toujours nécessairement décisif dans l'aménagement de la capitale d'un royaume.
Et puisque nous en sommes au affaires parisiennes, je lisais ce soir un article sur le fiasco de Madonna à l'Olympia : un concert à plus de cent euros qui ne dure que trois quarts d'heures. Quand on prétend faire la leçon politique au monde avec notamment cette vidéo grotesque montrant la responsable du FN avec une moustache hitlérienne le minimum est de faire preuve de professionnalisme artistique. Etre bon dans son domaine de prédilection avant de ce poser en conscience universelle dans les autres secteurs. Or elle avait déjà eu 1 h 30 de retard à Dubaï en juin. Berlusconi accusait Madonna d'être communiste, mais c'est sans doute lui faire bien trop d'honneur. En tout cas à trop vouloir monopoliser la tête d'affiche depuis trop longtemps et s'enivrer de ses succès comme l'empereur Julien, elle court le risque de finir piteusement comme lui...
Tacite
Vous vous souvenez sans doute que Nietzsche affirmait dans son style habituel que la seule grande figure de l'Evangile c'était Pilate. J'avoue que je prends plaisir, l'âge venant, à lire Tacite, en ouvrant les Annales au hasard. Ici je tombe sur la révolte de Boudicca, là sur la conquête de l'Arménie. A cet endroit la querelle entre Smyrne et je ne sais plus quelle autre ville pour obtenir le droit d'ériger un temps à la famille impériale, là aux déboires d'un gouverneur de Cyrène ou d'un brigand espagnol, une campagne contre des Thraces. Tacite, c'est le regard aristocratique romain sur l'histoire de l'Empire au Ier siècle, comme Pilate est le regard aristocratique romain sur les querelles de la Judée. Il y a toujours chez Tacite cette sorte de pessimisme moral très romain qui ne s'étonne pas des égarements humains, et même y voit une fatalité. Du coup ils deviennent facilement l'explication de tous les malheurs. Les défaites militaires sont dues à la lâcheté, les insurrections dans les provinces au relâchement moral des gouverneurs corrompus. Il n'y aura jamais de critique systémique chez Tacite. Juste de l'indignation et du pessimisme qui dispensent de réfléchir. C'en est amusant, presque sympathique même, tant cela est simple. Simple et élégant, parce qu'il y a toujours cette volonté de n'idéaliser rien ni personne, et puis cette précision du style, resserré en quelques mots. Certes tout n'est pas pourri dans le monde de Tacite. Il y a encore beaucoup d'administrateurs romains et de généraux pleins de sagesse, de dignité et de courage qui tiennent leur rang. Le monde romain fonctionne grâce à eux. Mais il y a tout autour, c'est à dire chez les autres Romains, comme chez les Barbares, une déliquescence inévitable, inhérente à la nature humaine. Plus encore chez les Barbares d'ailleurs, bien sûr, les Barbares quels qu'ils soient, les Bretons comme les Parthes, parce qu'eux cèdent encore plus à la nature que les Romains, avec leurs rituels de combat bizarres, leurs initiatives désordonnées, leur promptitude à se diviser et à trahir... Un regard intéressant qui, en même temps, fait voyager aux quatre coins du monde méditerrannéen et dans les coutumes d'il y a deux mille ans. Je ne me lasse pas d'y retourner, de temps à autre, pour y picorer quelques pages.
ps : Il faudra que je vous parle aussi un jour de l'émission Métronome sur l'histoire de Paris (plusieurs épisodes, les deux premiers le 4 juin à regarder sur Pluzz.fr). Emission pleine de naÏveté notamment quand elle aborde l'Antiquité sous l'angle d'un parisianisme effreiné, mais qui a le mérite de restituer la richesse extraordinaire de ces hauts lieux de la capitale que l'on cotoie quotidiennement sans les comprendre, et donc sans les connaître.
Hypatie : l'incapacité de notre époque à penser l'ascétisme
Je vous avais promis un billet sur Synésios de Cyrène, disciple d'Hypatie d'Alexandrie. Mais n'en déplaise aux abrutis d'éditeurs qui refusent mes manuscrits, je consignerai ces considérations dans un livre plutôt que sur un blog.
En regardant à nouveau la bande annonce du film Agora et certains extraits (comme celui juste en dessous), je redécouvre un des aspects de ce qui ne va pas dans ce film : Hypatie enseigne dans une belle robe d'aristocrate... Or on ne sait pas grand chose sur elle mais ce qu'on sait avec certitude, c'est qu'elle portait le pallium des cyniques (un manteau qui préfigurait la bure monacale) quand elle enseignat. Peut-être ses élèves aussi. Qu'est ce que ça signifie ? Hypatie était néo-platonicienne, elle avait la chair et le luxe en horreur comme tous les philosophes de son temps. L'ascétisme était sa religion. Voilà qui l'eût rendue moins sympathique à nos spectateurs. La haine de la chair et des richesses est si peu commune de nos jours, et l'ouverture à l'altérité des autres époques (et à l'altérité tout court) si peu répandue !
De larges extraits du film existent aussi ici (en diverses langues) et ici (en français).