Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog de Frédéric Delorca

La biographie de Nadia Murad

5 Novembre 2023 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Proche-Orient, #Aide aux femmes yezidies, #Le monde autour de nous, #Lectures

Bien sûr je ne détourne pas le regard de ce qui se passe à Gaza, ni des sites qui dénoncent le conditionnement idéologique (même si certains vont un peu trop loin, comme Le Grand Soir à propos d'Astérix - je n'approuve pas du tout ce qu'il en dit). Mais on ne peut se concentrer seulement sur cette tragédie contre laquelle on se sent bien impuissant. Il y a d'autres sujets d'intérêt aussi, comme cette histoire d'élus de la NUPES devenus relais du Qatar (c'est le Canard Enchaîné qui a révélé l'affaire).

Je lisais par exemple hier "The Last One" (en version française "Pour que je sois la dernière") de la prix Nobel de la Paix yézidie irakienne Nadia Murad.

Il est toujours mieux que la vie d'un personnage soit raconté par un écrivain, mais il faut ici reconnaître que le "nègre" comme on dit en littérature (ou peut-être la "négresse" si c'est une femme ?) auteur probable du livre a fait un travail remarquable pur pousser cette femme symbole du génocide commis par Daech en 2014 raconte par le menu son histoire. Ayant moi-même écrit des biographies de gens ordinaires, je sais par expérience qu'il est difficile de faire raconter le passé, de faire émerger des anecdotes pertinentes, des images qui font mouche. Les personnes qu'on questionne peinent à trouver intéressant ce qui leur est arrivé, c'est un travail de maïeutique très compliqué. Dans le cas de Nadia Murad, c'est réussi.

Personnellement je ne cherchais pas spécialement à connaître les horreurs qu'elle a subies entre les mains de Daech. C'est un sujet que je connais par coeur (voyez mes autres billets sur les Yézidis sur ce blog). Mais je voulais comprendre la vie de cette communauté, de ses rapports avec les Arabes, les Kurdes etc, avant 2014. Près d'un tiers du livre de la Prix Nobel est consacré à cela et c'est réellement limpide.

Et cependant j'avoue qu'affectivement je peine à entrer dans ce monde là. Peut-être est-ce un effet du début de ma vieillesse - mais je reconnais que je ne suis jamais vraiment entré non plus dans l'univers mental des Serbes, des Abkhazes, ni d'aucun des peuples qui ont été mis sur mon chemin ; je me suis contenté de parler avec bienveillance de leur histoire. Le monde de cette fille de paysan née dans les années 1990, onzième de sa fratrie, ses petites joies et peines quand elle va planter des oignons avec ses frères et soeurs à Kocho ou fêter le Nouvel An à l'arrière du pick up familial sur la montagne de Sinjar est trop éloigné du mien puisque je puisse vraiment comprendre ses rêves ou ses colères. Je peux seulement imaginer ce que c'est que d'évoquer cela comme on parle d'un objet précieux sauvagement brisé.

Sur le plan plus "géopolitique" on entrevoit en tout cas le regard que cette minorité a pu poser sur l'occupant américain (un soldat yankee lui a offert une bague), ce qui illustre peut-être le regard qu'on posé toutes les minorités instrumentalisées par l'empire occidental par le passé (les Hmongs au Vietnam, les Albanais dans les Balkans etc). Et l'on comprend mieux le processus d'enfermement des voisins sunnites dans l'islamisme radical quand les Kurdes prenaient le pouvoir dans la plaine de Ninive. Engrenage des injustices qui ouvre le cycle interminable des vengeances... Hélas notre regard sur les injustices est toujours très sélectif, partout, et en suscite toujours de nouvelles...

Partager cet article

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :

Commenter cet article