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Le blog de Frédéric Delorca

Révolution française

2 Juin 2008 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Divers histoire

Une amie me transmet une publicité pour un livre intitulé "Lire Jean Meslier, curé et athée révolutionnaire, Introduction au mesliérisme et extraits de son œuvre". Le livre est publié chez Aden. Comme j'ai un contentieux personnel avec Aden, je me garderai d'en faire une recension dans Parutions.com (il y a tant de mesquineries dans les milieux contestataires, il faut bien que j'ajoute ma petite dose... et puis j'ai déjà trois recensions en retard). 

J'ai été intrigué par le commentaire d'Annie Lacroix-Riz qui avait transmis la publicité à cette amie : "En cette époque d’obcurantisme et de cléricalisme qui font songer à l’accompagnement idéologique de la « réaction seigneuriale » d’avant 1789 *, il est indispensable de découvrir ou de redécouvrir les ancêtres de l’athéisme révolutionnaire./ * On fausse les perspectives en laissant entendre que la pensée révolutionnaire ou pré-révolutionnaire a caractérisé tout le 18e siècle, mais c’est un biais de perspective d’après Révolution : c’est comme si on croyait que les signataires du manifeste de Zimmerwald étaient majoritaires en septembre-octobre 1915."

Ce commentaire a un mérite : rappeler qu'à l'époque des Lumières, en effet, la pensée révolutionnaire était minoritaire même dans l'intelligentsia. Quand on lit les voyages en France de l'Anglais Young en 1789, on se rend compte que c'est lui qui est dans le sillage du courant mainstream des Lumières, et que ce courant est déjà en deçà de ce qui se passe dans le pays : cette effervescence qu'il perçoit comme une source d'anarchie dangereuse (ce qu'elle était en partie du reste). Young d'ailleurs à un moment rencontre un prêtre publiciste dont j'ai oublié le nom, un prêtre qu'il présente comme un des auteurs principaux du courant des Lumières, et qui est en réalité très éloigné du radicalisme de Meslier, puisqu'il s'entend avec Young qu'il conviendraient que les pouvoirs de l'Assemblée nationale fussent encadrés par une Chambre des Lords comme en Angleterre.

Tout cela me faisait songer qu'au fond, le courant révolutionnaire n'est précisément qu'un courant dans la société. En tant que tel ce courant ne gagne jamais, ni ne perd jamais définitivement. Il est voué, dans une logique héraclitéenne, au fil du devenir, à remporter des victoires, puis des revers, indéfiniment. Le jeu n'est pas à somme nulle, chaque victoire est une avancée que l'échec suivant ne réduira pas à néant ; on ne revient jamais à la case départ, mais tout est toujours fragile.

La Révolution française a connu le plus d'avancées qu'elle pouvait, avant Thermidor, puis la réaction bourgeoise - et son bras armé bonapartiste  après l'échec du Directoire. De nouvelles poussées en 1830, 1848, de nouveaux revers, parfois très rapides (en 1848 c'est au bout de quelques mois), pour que les beaux mots de Liberté, de République, soient rigidifiés, rendus compatibles avec de nouvelles oppressions, de nouveaux conformismes (mais peut-être certains diraient : rendus compatibles avec les contraintes du réel, allez savoir). Même dans les périodes de défaite, les révolutionnaires restent un aiguillon, ne serait-ce que parce qu'ils sont une menace à l'ordre public. Leur seule présence dissuade les conservateurs de trop tirer l'ordre social vers le statu quo ante.

Ce qui est sûr c'est qu'une révolution ne triomphe jamais, comme elle ne perd jamais tout à fait non plus. Elle marque des points, elle en perd au round suivant. C'est la règle. Il n'y a jamais de Fin de l'Histoire.

Hier je déjeunais avec des fonctionnaires territoriaux de 35 ans "cadres A" de province, bien formatés par le système actuel. Chacun faisait l'éloge de l'entreprise "ah vraiment eux ils ont compris, il sont plus modernes que nous, le service public, ils ont opté pour le zéro papiers" (l'abandon du papier, c'est à dire le fait que tout le monde va user ses yeux sur de petits écrans - car bien sûr peu d'administrations ont les moyens d'acheter des grands écrans à leurs agents -, passe pour le nec plus ultra du progrès en ce moment). Dans l'ensemble nous étions fort éloignés des idéaux de la Révolution française (et encore les fonctionnaires territoriaux ne sont-ils pas ce qu'il y a de plus "néolibéral" dans les professions françaises), et l'on se disait que, peut-être, au Vénézuéla ou en Equateurs les fonctionnaires locaux étaient plus proches pour leur part de 1793. Ce n'est pas sûr, mais si tel est le cas ce ne sera pas plus mal pour leurs administrés, à tout le moins pour les pauvres ...

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