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Le blog de Frédéric Delorca

Ré-enchantement du monde

20 Janvier 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Le monde autour de nous, #Colonialisme-impérialisme, #Barack Obama, #Abkhazie, #Transnistrie

juillet-2006-099.jpgLa camarade Méchaï (la future Catherine Samary du 21ème siècle) rappelait dans un article récent que "les relations internationales telles qu’elles sont dites par les médias sont le lieu privilégié du "réenchantement " du monde ".

Le propos se vérifie pleinement en ce qui concerne les Etats autoproclamés. Je commence à lire le court livre de Léon Colm "Improbable Abkhazie", que j'aurai l'occasion sans doute de commenter dans mon propre ouvrage. Je tombe sur cette phrase p. 6 "Vue comme un régime criminel, pire comme un no man's land, l'Abkhazie vit dans une fussure de notre géographie politique. On ne la connaît pas, on en présume le pire".

C'est ce "on en présume le pire" qui me froisse et qui me rappelle un peu le livre de Deleu sur la Transnistrie. Pourquoi ce besoin d'emblée de "présumer le pire" à propos d'un Etat non reconnu ? Il faut que ce soit pour les gens comme une côte des pirates, comme la Cilicie au temps de Pompée, ou des îles perdues dans les Caraïbes de l'époque des corsaires... Voilà typiquement une façon de "réenchanter le monde" à peu de frais.

Peut-être parce que j'ai été vacciné par la Transnistrie (et auparavant par la Serbie, diabolisée quoique non autoproclamée) l'idée que l'Abkhazie pût être un pays à propos duquel il faut "présumer le pire" ne m'a jamais effleuré l'esprit avant que je prenne l'avion pour m'y rendre, et encore moins bien sûr quand j'y étais. Comment peut-on supposer ce genre de chose ? Partout les gouvernements sont soumis aux mêmes contraintes : il faut nourrir une population, lui apporter des réseaux d'adduction d'eau, la débarrasser de ses ordures. Partout la condition humaine est éminemment prosaïque, et pèse sur les décisions politiques dans le sens de la plus plate rationnalité. Seuls les trop grands consommateurs de films américains peuvent croire qu'il existe des pays extraordinaires où tout marche sur la tête. Le fait que partout (et même en Corée du Nord je parie) l'on capte les mêmes satellites offrant le même genre de pub pour le même genre de savonnette à quelques détails près, concourt davantage encore à rendre chaque pays, même autoproclamé, hautement prévisible.

Mais, c'est vrai, Méchaï a raison : l'on réenchante, on ne cesse jamais de réenchanter. Je songe souvent à cette remarque de Paul Veyne selon laquelle, à l'époque de Sénèque, il était obligatoire pour tout esprit distingué d'avoir un avis sur le moyen d'atteindre la paix de l'âme, tout comme aujourd'hui il est obligatoire d'avoir un avis sur les relations internationales. Voilà qui est très vrai. Vous souvenez vous combien dans le Journal de Bridget Jones l'héroïne paraît stupide quand, assise à une table londonienne branchée, elle ne trouve rien de pertinent à dire sur la guerre de Bosnie ? Les relations internationales sont le nouvel espace de projection de nos valeurs métaphysiques (et d'affirmation de notre "leadership moral" comme vient de dire M. Obama après avoir envahi Haïti). Il est donc normal que tout y soit "enchanté" et magique...

L'enchantement est enraciné dans le point de vue des dominants. Mais il l'est aussi chez les opposants. Des milieux diplomatiques du tiers-monde diffusent en ce moment un texte de Chevige González Marcó, qui attribue la paternité du tremblement de terre d'Haïti aux Etats-Unis via le système de radar Haarp ! J'ai dénoncé ce délire quand on l'appliqua dans les mêmes termes au tremblement de terre chinois le 4 juin 2008 exactement. Mais les fables ont la vie dure. Une camarade américaine me faisait remarquer cette phrase dans l'article de González Marcó : "Los Haarp potencialmente tendrían también la capacidad, de desintegrar objetos, generar combustiones espontáneas e inducidas..." Ben voyons...




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