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Le blog de Frédéric Delorca

Articles avec #divers histoire tag

Il y a un siècle, au Congo...

25 Janvier 2008 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Divers histoire

"La Traite des Noirs ayant été abolie, et les esclaves émancipés, le moyen le plus facile d'exploiter le travail des nègres était d'occuper les régions où ils vivaient ; or il se trouva qu'en outre, ces pays contenaient diverses matières premières précieuses. La cupidité ne fut qu'un des mobiles, le plus important d'ailleurs, de l'impérialisme africain ; mais il y eut un cas, celui de l'Etat "libre du Congo, où il semble avoir été le seul.(...) Les autorités ordonnaient à chaque village de récolter et apporter une certaine quantité de caoutchouc, autant que les indigènes pouvaient récolter et apporter, en négligeant tout travail pour leur propre subsistance. S'ils n'apportaient pas la quantité requise, on emmenait leurs femmes comme otages dans les habitations ou harems des employés du gouvernement. Si cette méthode échouait, on envoyait des troupes d'indigènes, dont beaucoup étaient cannibales, dans le village, pour répandre la terreur, en tuant quelques hommes s'il le fallait ; mais afin d'empêcher le gaspillage des cartouches, ils devaient ramener une main droite pour toute cartouche employée. S'ils visaient mal, ou employaient la cartouche pour du gros gibier, ils coupaient la main de personnes vivantes, pour arriver au chiffre nécessaire. La conséquence fut que, d'après l'estimation de Sir H. H. Johnston, confirmé par les autres sources impartiales, en quinze ans la population indigène fut réduite d'environ 20 millions à 9 millions à peine. Il est vrai que la maladie du sommeil contribua un peu à cette diminution ; mais la propagation de cette maladie fut fort accélérée par la façon dont le roi Léopold transportait les otages d'un bout à l'autre de la colonie.

On se donna énormément de peine pour garder secret le meurtre systématique, dont usait le royal capitaliste pour obtenir des bénéfices."


Bertand Russell, Histoire des idées au XIX ème siècle, Gallimard, Paris, 6 ème édition 1951 p. 347-350

N'oublions pas que le pillage des ressources du Congo au profit du système de consommation occidental continue de nos jours. La guerre encouragée par les Etats-Unis dans l'Est de ce pays depuis 1998 a fait plus de 4 millions de morts. Chiffre qui - comme les 1 millions de morts en Irak depuis 2003 - laisse de marbre les bonnes âmes prêtes à toutes les croisades contre les ennemis de l'Occident (au Darfour ou ailleurs).


genocide_congo
envoyé par caidland
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A propos de Jacques Duclos

22 Septembre 2007 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Divers histoire

Je lisais cet été dans la bibliothèque d'un ancien employé de la Mobil de Notre-Dame-de-Gravenchon (une raffinerie de la région hâvraise qui était un fief de la CGT et du PCF à la grande époque), les mémoires de Jacques Duclos. N'étant moi-même pas communiste (ni même marxiste, bien que je me considère comme marxien) je ne me sens pas une immense proximité à l'égard de ce personnage. Mais son histoire (comme celle du PC et de tous les mouvements qui ont lutté pour l'émancipation des dominés) fait partie d'un héritage que la gauche aujourd'hui doit faire vivre.  Duclos-Chambre.jpg

Il y a dans les mémoires de Duclos quelque chose d'un peu trop scolaire et littéraire, qui parfois fait manquer la "chair" de son vécu. Quand il parle d'un combat ou de la mort d'un ami, il emploie souvent des termes lyriques, un peu trop stéréotypés, qui sclérosent le récit.  Mais cela ne lui est pas propre. La majorité des lettrés écrivaient de la sorte en ce temps là, et l'on peut se demander aussi s'ils ne ressentaient pas aussi les chose de cette manière (précisément parce que l'école leur avait enseigner à "fondre" leurs émotions dans cette forme rigidifiée, ce qui peut-être contribua à rendre cette génération, moins émotive, plus dure, moins hystérique que la nôtre, mais je laisse ce débat de côté).

Mais il y a aussi une foule d'annotations qui aident à comprendre comment ce petit homme, fils d'un aubergiste de Bigorre, devint le numéro 2 du PC, sénateur de la République, et un des cadres les plus en vue de la III ème Internationale. A travers son récit rétrospectif, on voit fonctionner la machine à promouvoir les ouvriers méritants et combattifs que furent la SFIO puis le PCF, et comment un jeune homme issu d'un monde assez apolitique (à peine travaillé par le radical-socialisme) s'initie à la lutte des classes et à la vision marxiste du monde.

Je dois dire que cette histoire me touche, parce que Duclos avait seulement six ans de plus que mon grand-père maternel, qu'il est né seulement à 30 km du lieu de naissance de mon aïeul, dans un village où l'on parlait le même dialecte (où l'on entonnait les mêmes chants montagnards), et qu'il fut, comme lui, ouvrier boulanger. Sauf que mon grand père lui, resta ouvrier toute sa vie, et apolitique, et bloqué dans sa petite vie béarnaise (et ses drames familiaux). Les différences d'itinéraire entre les deux, tiennent à des différences de capacités intellectuelles, et de courage, sûrement, mais aussi à des nuances sociologiques. Les parents de mon aïeul, à la différence de ceux de Duclos, n'avaient point d'ami à Toulouse ou à Bordeaux susceptibles de l'initier au plaisir de lire des livres. Ce genre de détail est d'une importance cruciale dans les premières années de l'existence. Ils tracent la ligne entre ceux qui resteront prolétaires toute leur vie et ceux qui ont des chances d'en sortir.

Le récit de Duclos, comme les roman d'Aragon de la même période, rappelle tout ce qu'il y eut de fort, de dangereux même dans les combats sociaux, anti-colonialistes, et anti-fascistes des années 1920-1930.

Ce sont des souvenirs qu'il faut garder en tête, et dont il faut se nourrir. Et non point les transformer en clichés consommables par n'importe qui comme le fait Sarkozy par exemple avec la mémoire de Guy Môquet. Quelles que fussent les erreurs commises par ces hommes courageux, venus des couches les moins estimées de la société et dévoués au bien commun de l'humanité, il faut savoir leur rendre hommage et tirer le meilleur parti de ce qu'ils ont fait.

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Illustration extraite de http://edechambost.ifrance.com/Duclos-travail.htm "Jacques Duclos dicte son courrier à Gilberte"

Voir aussi la vidéo d'une interview de Duclos sur http://www.dailymotion.com/video/x18dw5_jacques-duclos-presidentielles-1969_politics
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Le Voyage au Congo de Gide

7 Août 2007 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Divers histoire

Je lisais la semaine dernière le Voyage au Congo d'André Gide. Ce texte confirme ce qu'écrit Hannah Arendt dans le premier tome des livres qu'elle a consacrés au "totalitarisme" (un concept que je désapprouve) : que les colonies furent le premier laboratoire de la barbarie européenne (qui allait ensuite se déchaîner sous le nazisme). Une barbarie qui d'ailleurs n'était pas planifiée par l'Etat, mais résultait le plus souvent de la faiblesse des Etats, qui devaient laisser s'exprimer le sadisme des intérêts privés.

Les remarques de Gide sur la violence des exploitants de caoutchouc dans l'Afrique équatoriale française rappelle ce que l'on sait par ailleurs de l'horreur qui régna dans les plantations de caoutchouc du Congo belge, où les pires sévices punissaient les hommes accusés de sous-productivité ou d'insoumission. Ses analyses sur l'exploitation des porteurs, la désorganisation de la production et du commerce par les colonisateurs, au Gabon, en Afrique centrale méritent le détour. Car tout cela a laissé des traces très profondes (encores aggravées aujourd'hui par le système capitaliste mondial : sait-on que l'Afrique aujourd'hui à cause du mécanisme de la dette exporte plus de capitaux vers le pays du Nord qu'elle n'en reçoit ?).

Il est incroyable de voir avec quelle incurie on a pillé l'Afrique pendant plusieurs générations. Il faut relire les rares consciences européennes qui ont osé écrire contre ça : André Gide, Octave Mirbeau. Tout comme il faut relire les anotations de Victor Hugo dans Choses Vues à propos des massacres d'indigènes en Algérie dans les années 1850.

On revient de très très loin. Et il faudra hélas encore probablement une ou deux générations avant que les peuples du nord à la fois regardent ce passé criminel en face (sans chercher à le banaliser ou à s'en disculper), et soient capables de se penser comme égaux (non pas supérieurs) aux peuples du Sud.

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De la Dum-Dum au Dime

19 Novembre 2006 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Divers histoire

Deux textes à rapprocher pour comprendre notre époque dans sa perspective historique.

Un extrait du roman ironique anti-colonialiste de l'écrivain socialiste (à l'époque ça signifiait "révolutionnaire")  Octave Mirbeau  Le jardin des supplices (1898)  :

"J'ai inventé une balle... Elle est extraordinaire. Et je l'appelle la balle Dum-Dum, du nom du petit village hindou où j'eus l'honneur de l'inventer.

- Elle tue beaucoup ? ... plus que les autres ? ... demanda Clara.

- Oh ! chère miss, ne m'en parlez pas ! ... fit le capitaine en riant..; C'est incalculable ! (...) je l'ai expérimentée moi-même... J'ai fait placer douze Hindous...

- Vivants ?

- Naturellement ! ....L'empereur d'Allemagne, lui, pratique ces expériences sur des cadavres... Avouez que c'est absurde et tout à fait incomplet... Moi j'opère sur des personnes, non seulement vivantes, mais d'une constitution robuste et d'une parfaite santé.... Au moins on voit ce que l'on fait et où l'on va... Je ne suis pas un rêveur, moi... je suis un savant !...

- Mille pardons, capitaine !... continuez donc....

- Donc j'ai fait placer douze Hindous, l'un derrière l'autre, sur une ligne géométriquement droite... et j'ai tiré....

- Eh bien... interrompit Clara

- Eh bien, délicieuse amie, cette petite Dum-Dum a fait merveille... Des douze Hindous, il n'en est pas resté un seul debout !... La balle avait traversé leurs douze corps qui n'étaient plus, après le coup, que douze tas de chair en bouillie et d'os littéralement broyés... Magique, vraiment ! et jamais je n'avais cru à un aussi admirable succès...

- Admirable, en effet et qui tient du prodige.

- N'est-ce pas ? ...

Et, songeur, après quelques secondes d'un silence émouvant...

- Je cherche, murmura-t-il, confidentiellement... je cherche quelque chose de mieux.... quelque chose de définitif ... je cherche une balle... une petite balle qui ne laisserait rien de ceux qu'elle atteint"

Le Jardin des supplices, Folio Classique p. 119-120

A comparer avec cette info récente :

"Anwar Abou Houli a 43 ans et a été brancardier pendant des années à Deir Al Balah, au volant des ambulances pendant les incursions militaires. Mais le matin de ce 19 juillet, alors qu’il porte secours aux victimes d’une explosion dans le dédale des ruelles étroites de Mughazi Camp, survient quelque chose : un engin tombe du ciel, probablement lancé par un drone israélien. Il plane devant lui avec un léger sifflement, il ne fait aucun bruit même quand il touche terre. Tout d’un coup la détonation : Anwar se retrouve par terre, une jambe coupée à la hauteur du tibia, le corps lacéré par des coupures microscopiques et par une poudre qui semble rester sous la peau, en le brûlant. Pendant le transport à l’hôpital, la poudre lui ronge la peau, coagule les vaisseaux sanguins, nécrose les tissus, comme si elle les « vieillissait ». Les médecins se retrouvent impuissants face à la nécrose rapide et ne peuvent qu’amputer, sans trouver d’éclats qui expliquent les coupures et les brûlures (...)

Aujourd’hui les « nouvelles armes » expérimentées sur les Palestiniens pendant l’opération militaire israélienne « Pluie d’été » pourrait avoir un nom. Le noyau d’enquêtes réalisées par Rainews24, qui s’est rendu à Gaza, a identifié, dans un projet étasunien de bombes à diamètre réduit associées au Dime, le Dense inert metal explosive, l’explication plausible des mystérieuses blessures rencontrées. Le Dime serait une typologie de munitions dites à létalité concentrée, un produit des exigences de la « guerre au terrorisme ». Les premiers prototypes devaient être disponibles entre juin et juillet exactement. Il est probable que Gaza ait fourni le meilleur scénario pour une expérimentation sur le champ de bataille, pendant des semaines de relative inattention médiatique à cause des bombardements du Liban.

Des analyses scientifiques indépendantes commanditées aux laboratoires de l’université de Parme par Rainews24 sur des fragments et des poussières fournies par les médecins de Gaza ont confirmé la présence de carbofibre et de tungstène, les deux éléments caractéristiques du Dime. " (Il Manifesto, 14 octobre 2006 repris sur http://www.protection-palestine.org/impression3817.html)

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