Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog de Frédéric Delorca

Virgo vestalis sum (Je suis une vestale)

19 Février 2014 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Grundlegung zur Metaphysik

vestale.jpgCertes je livre des analyses politiques pour le blog de l'Atlas alternatif et Esprit corsaire, mais je suis avant tout un philosophe et un écrivain (ou un écrivaillon, lisez mon roman, vous verrez à quel niveau il faut me situer). L'écrivain n'a pas de vie privée. Il voit dans tout ce qui arrive dans son quotidien un reflet des possibilités humaines en général, et il se permet pour cela d'écrire à leur sujet avec la même impudeur que s'il racontait la vie d'Artaxerxès ou s'il décrivait le fonctionnement d'une colonie de termites. Que ceux que l'humaine condition n'intéresse pas sautent donc cet article et aillent plutôt lire mes billets politiques.

 

Qu'en revanche mes camarades de cheminement (comme mon amie Livia, par exemple, qui a pu suivre de près mes réflexions, mais aussi Pierre-Olivier, et quelques autres), jettent un oeil attentif à ce que je vais narrer ici.

 

La "jeune médium" dont je parlais dans le billet plus bas "épicurisme et stoïcisme", m'a fait rencontrer hier un medium plus expérimenté qu'elle. J'y suis allé avec le regard du rationaliste, comme je l'avais fait en 1989 lors d'une séance de spiritisme au cours de laquelle un verre s'était promené avec fougue sur une table, du côté de Montreuil. C'était il y a un quart de siècle déjà... Rationaliste, mais ouvert à tout ce qui pourrait m'être dit. Le médium d'hier, comme celle dont je parlais plus bas, est lui aussi à côté de ses dons plutôt rationaliste, cadre commercial "dans le civil", si je puis dire, et ne veut pas utiliser ses talents à des fins lucratives ni pour devenir un gourou. Il s'en sert cependant pour guérir les brûlures épidermiques (il se dit "coupeur de feu") et diverses autres choses. Il dit avoir des dons d'empathie, et aussi de perception de certaines énergies, notamment celles de la terre. Je n'en dirai pas plus ici sur ses convictions ni sur ses inspirations générales, mais je tiens à souligner que lui-même essaie de garder la tête aussi froide que possible à l'égard de ses dons, et c'est pour cela qu'un dialogue avec un sceptique comme moi pouvait être fructueux.

 

photo 023 retouchéeSes "dons" justement, ne m'auraient pas spécialement intéressé, si cet homme, qui ne me connaissait que depuis une demi heure, et à qui je n'avais rien dit de ma vie, ne m'avait sorti de but en blanc dans un pub silencieux près de Saint Lazare à Paris vers 14 h (car il faut du silence pour que les intuitions passent) : "Tu as eu une mère étouffante, tu as fait toutes tes études pour faire plaisir à ta mère, ton père était assez absent, ton grand père le remplaçait, ton grand père est mort quand tu avais 14-15 ans, il a essayé de te parler depuis dans tes rêves".

 

Je n'aurais point été impressionné si ces phrases procédaient d'une pure déduction psychologique à partir de mes mots, ou de mes comportements. Toutefois, je le répète, je n'avais rien dit à cet homme sur mon enfance, et notamment le fait que mon grand père maternel soit décédé en août 1985, juste avant mon 15ème anniversaire ce cadre commercial en face de moi n'avait AUCUN moyen de l'apprendre d'une manière rationnelle.

 

Ce medium a ajouté, en me voyant sourire : "Je pourrais te dire encore plus de choses sur toi mais je ne veux pas te destabiliser trop pour une première rencontre. Ce que je viens de te dire là sur toi, ce sont des esprits qui me l'ont soufflé juste pour signaler qu'ils sont présents. Quand on se connaîtra mieux je t'en dirai plus"

 

De temps en temps j'envoyais des SMS à la fille médium (appelons la ainsi même si elle prétend n'être point encore assez "élevée" spirituellement pour avoir les mêmes intuitions que son ami). Elle fonctionne plutôt avec des chiffres qui la hantent car elle a fait des études de mathématiques, il paraît que cela correspond à sa sensibilité. Au bout de trois SMS que je lui ai adressés, elle m'a écrit : "Heure 13h13 à laquelle tu as envoyé le premier message : Les maîtres ascensionnés travaillent avec vous sur vos processus de pensée. Ils vous servent de mentors en vous enseignant la sagesse ancienne qui intervient dans la manifestation de vos désirs. Ils vous envoient de l'énergie pour vous garder du découragement et vous encouragent à rester concentrés sur les véritables objectifs de l'âme. De plus, il se peut que les maîtres ascensionnés vous conseillent, vous guident et vous fassent des suggestions à propos de la finalité de votre vie." Bon je cite ce SMS de mon interlocutrice pour préciser un peu la couleur du "background" imaginaire dans lequel l'apres-midi d'hier baignait. Bien sûr on peut sourire devant les maladresses d'expression comme "maîtres ascensionnés" (l'intellectualisme n'est pas très important dans l'ésotérisme de toute évidence, puisque le coeur est censé compter davantage).

 

aimez vous bordel

Mon interlocutrice par SMS, comme l'homme que j'avais en face de moi, ont découvert leur inspiration "paranormale" (mais ils n'aiment pas le terme) assez récemment (il y a deux ans, ce sont d'ailleurs des gens jeunes) à l'issue de très pénibles dépressions qu'ils ont endurées, dans des périodes de doutes sur eux-mêmes (et pour mon interlocutrice à la suite d'un violent chagrin d'amour après s'être faite brutalement plaquer). Je suis en ce moment dans une situation psychologique proche de celle qui était la leur il y a deux ans, et la tentation de laisser mon esprit "s'ouvrir" aux dimensions étranges auxquelles les leurs ont accédé pourrait exister (d'ailleurs ne disent-ils pas que tout un chacun pourrait s'il le voulait devenir comme eux ?).

 

Cependant je n'y cèderai pas. Je veux bien employer ma plume et ma petite notoriété éditoriale à tenter de faire connaître les dons de ces personnes, leur univers mental, et le bien qu'ils peuvent faire autour d'eux (car j'ai toujours conçu mon travail intellectuel comme étant au service des réalités humaines méconnues et méprisées par la culture officielle, et au service de l'amour humain largo sensu). Mais, que les esprits existent ou pas, qu'ils tentent ou pas de nous parler, à ce stade précis de ma vie je ne pense pas avoir vraiment besoin de le savoir.

 

Je ne m'étendrai pas plus sur cette singulière rencontre d'hier sur laquelle j'écrirai probablement plus dans un autre cadre (article universitaire ou livre, trouver le support adéquat n'est d'ailleurs pas facile) dans quelques mois ou quelques années. Je citerai juste un point intéressant mon parcours personnel car ce point va avoir un impact sur ma façon d'écrire mes livres, et probablement aussi sur mon positionnement politique. Le médium m'a dit hier : "Je vois aussi que tu as eu un problème de définition de ton identité sexuelle à un certain moment. Tentation de l'homosexualité ?" (il était gêné de me demander cela ne sachant pas que je suis toujours fort à l'aise pour parler de l'Eros).

 

Je lui ai dit que comme beaucoup d'intellectuels, du temps où Christian David prétendait que nous avions tous une "bisexualité psychique", je m'étais demandé si les gens du même sexe que moi ne m'attiraient pas, que toutefois je n'avais jamais trouvé rien de probant de ce côté là, mais qu'en revanche avant ma naissance mes parents s'étaient convaincus de ce que je serais une fille, et que ma mère fut un peu déçue de me voir naître de sexe mâle, que ce fait a toujours été structurant de ma proximité avec la sensibilité féminine. Ce qui pouvait correspondre à l'impression qu'il avait de moi.

 

C'est amusant parce que lui et moi avons parlé du café de Flore, et je lui ai raconté mon repas il y a quelques années avec une célèbre chanteuse des années 1990 et l'ambassadeur du Sri Lanka dans ce café, repas que je voulais destiner à préparer un concert pour la paix dans ce pays. Cette chanteuse à la féminité véhémente m'a beaucoup sensibilisé à ce que pourrait être l'apport féminin à mon engagement anti-guerre (apport qui n'est jamais exempt de défauts, car, à la différence d'un certain discours convenu de notre époque, je ne déifie pas la féminité, mais qui a aussi un spécificité très intéressante). J'ai songé du coup que je devais valoriser cette féminité en moi. Mon côté féminin est un côté extrêmement pur (contrairement à ce que mon amie Livia en disait). Je suis une parfaite vestale qui protège en son coeur un sens du Bien et de l'absolu rigoureusement cristallin. Je serai notamment la vestale de ce que j'ai vécu et appris au second semestre 2013 et ferai tout pour le faire exister encore dans mon quotidien. Et c'est sur ma vocation de vestale que, dans mon travail d'écriture, je pourrai sans doute faire fructifier le meilleur de ma personnalité. Mais je conçois que tout cela puisse paraître fort abstrait vu de l'extérieur. Je ne pourrai le manifester que dans mes livres.

 

Ad augusta per angusta !

 

---

christophe.jpgPS : le médium m'a aussi dit "écoute ton fils il a des choses à t'apprendre". A midi, mon fils (6 ans) m'a dit : "Les philosophes ne sont pas de belles choses, mais de beaux animaux". Qu'est ce que cela peut bien m'apprendre ? J'ai pensé à la phrase de Gilles Deleuze : "l'écrivain est à la limite du cri animal et de l'humain". Comme le Saint Christophe cynocéphale. Livia et Pierre-Olivier m'accompagneront peut etre un jour sur la tombe de Marguerite de Navarre. J'y amènerai mon ami médium aussi. Une pensée aussi pour Clodius, du parti des Populares, qui s'était déguisé en vestale. Les vestales étaient enterrées vivantes si elles laissaient s'éteindre la flamme du Feu sacré. Je ne laisserai s'éteindre aucune flamme, et personne ne sera enterré vivant.

PS2 : cette chanson et ses "lyrics" aideront les plus âgés à comprendre le contenu de ce blog.

PS3 : "César-Auguste accrut le nombre, le prestige, mais aussi les prérogatives des prêtres, particulièrement des Vestales ; comme le décès de l'une d'entre elles imposait le choix d'une remplaçante, voyant beaucoup de citoyens faire des démarches pour ne point soumettre leurs filles au tirage, il jura que, "si l'une ou l'autre de ses petites filles avait eu l'âge convenable, lui-même l'aurait offerte" "(Suétone, Vie des douze Césars, XXXI) "Les Vestales eurent au théâtre leur loge à part" (XLIV)

 

PS 4 (de 2016)  : Le récit de la révélation du 18 févier 2014 évoquée dans le billet ci-dessus sera prochainement repris dans un essai universitaire sur les médiums. Suivez les actualisations de ce blog pour rester informés.

 

Lire la suite

Regards croisés

17 Février 2014 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Divers histoire

Je n'aime pas connaître les grands hommes à travers les historiens, car ceux-ci ne sont la plupart du temps que des archivistes médiocres. Je préfère les découvrir à travers le regard qu'un autre grand homme, de préférence contemporain, porte sur eux. Par exemple j'aime découvrir Caton d'Utique à travers Cicéron, Napoléon à travers Châteaubriand, Gandhi ou Zweig à travers Romain Rolland. Parce que le grand auteur a toujours des raisons plus intéressantes que l'historien d'aimer ou détester un de ses contemporains, en outre il baigne plus dans l'ambiance de l'époque, et en connaît mieux les enjeux même inconscients, et puis, même si ce grand auteur se trompe, ses erreurs et les raisons de ses erreurs sont toujours plus intéressantes dans leur visée philosophique que celles de l'historien.

Lire la suite

Le viol de Lucrèce

17 Février 2014 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Colonialisme-impérialisme

lucrece.jpgMon titre pour Esprit Corsaire "le viol de l'Ukraine", m'est venu à propos d'une longue réflexion sur le viol et la prostitution que j'ai été obligé d'avoir en décembre-janvier, réflexion sur le thème : qui est la pute de qui, qui viole la vie de qui, etc. (réflexion menée en parallèle avec la question de la folie des gens, de leur maladie mentale etc).

 

En l'envoyant au rédac-chef je lui ai dit "si tu trouves un meilleur titre n'hésite pas". Il a gardé ce titre, parce que c'est un homme d'expérience, qui a pas mal bourlingué, et qui connaît l'humain comme sa poche (il a adoré mon roman "La révolution des montagnes", ce qui est le signe d'une intelligence supérieure - d'ailleurs j'interdis à quiconque de parcourir ce blog s'il ne l'a pas lu).

 

Après coup, j'ai songé que le viol de l'Ukraine faisait penser au "viol de Lucrèce" (dont le Titien a fait le tableau ci-contre). Je me suis dit que peut-être, inconsciemment, j'avais pensé à cet épisode fondateur de l'histoire de la République romaine en choisissant ce titre. Et que l'homme de haute culture qu'est le rédac-chef avait peut-être aussi cette petite musique dans l'oreille en arrière-plan (en le sachant ou sans le savoir).

 

Oui mesdames et messieurs, la République romaine s'est fondée sur l'idée de réparer un viol ("Tu dors Brutus ?" l'assassin du dernier roi étrusque était un Brutus, et l'assassin de César - gendre de Caton d'Utique remarquez bien -  était son descendant d'où le "tu dors Brutus ?" écrit sur les murs de Rome en 44 av JC, comme je suis sur Internet je dois expliquer tout cela, si j'avais écrit ailleurs, où les gens ont plus de culture, je me serais contenté d'un "tu dors Brutus ?" en forme de clin d'oeil - César avait violé la République, et sa vertueuse alliée grecque en Gaule, Marseille, Massalia, dont il ne reste aucun vestige). Du coup je songe aussi à l'imaginaire colonial décrit par GC Spivak (l'idole des Indigènes de la République) : "le blanc qui veut enlever une femme non-blanche à ses frères non-blancs" ("Frédéric, faire l'amour avec une Algérienne, on ne peut plus se permettre ! ce n'est plus de nos âges !", encore une citation en forme de clin d'oeil). Sauver telle femme du viol, ou réparer l'injustice d'un viol. Tout comme ces Américains qui déclarèrent la guerre à l'Espagne en 1898 pour réparer un viol ou quasi-viol (voyez ici). Mon arrière grand père qui fut prisonnier de guerre des Américains à Cuba aurait des choses à dire là-dessus. Et notre "glorieuse" action en Bosnie pour sauver les femmes de "viols systématiques" (un secrétaire général de chaine de TV me disait jeudi que tous les journalistes qui ont couvert Sarajevo en 1993-94 se réunissent tous les ans pour déjeuner ensemble : si ce n'est pas le signe que c'est devenu là un mythe fondateur de la profession, je ne m'y connais pas !). Pardon pour toutes ces évocations un peu trop rapides, mais je ne suis pas le roi des longs exposés didactiques et ennuyeux, on n'est pas au Monde Diplomatique ici !

 

Souvenez-vous de ce magnifique livre écrit par une femme violée sur des femmes violées "Une femme à Berlin" (mon article sur ce livre est ici). On ne fonde jamais rien de légitime sur le viol (en ce sens la RDA n'était pas légitime), pas même en réparant un viol par un autre viol : les Occidentaux devraient s'en souvenir...

 

Lire la suite

Epicurisme et stoïcisme

16 Février 2014 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Philosophie et philosophes

diogenosJ'ai beaucoup soutenu le stoïcisme contre l'épicurisme - car je n'aime pas le côté "secte religieuse à l'écart du monde". Mais, c'est une thèse de l'historienne Mme Renée Koch-Piettre et pas seulement d'elle, l'église chrétienne, comme grand entreprise révolutionnaire de transformation du monde, s'est inspirée des deux écoles. Aux épicuriens elle emprunte la notion d'église avec ses rituels (que n'avaient pas les stoïciens), aux stoïciens la vision des hommes comme organes d'un corps universel. L'Eglise est une volonté d'étendre l'épicurisme aux dimensions du stoïcisme, c'est à dire à l'ensemble de la société, tout comme si l'on veut l'Islam est une tentative d'étendre les règles exigeantes et totalisantes du judaïsme - initialement réservées au "peuple élu" - à l'univers entier.

 

Saint Paul a grandi à Tarse en Cilicie, grand centre d'étude à la fois du stoïcisme et de l'épicurisme. Sa très bonne connaissance de ces écoles se vérifie quand il discute avec l'Aréopage d'Athènes dans les Actes des Apôtres.

 

Peut-être avons nous donc besoin des deux logiques, stoïcienne et épicurienne...

 

Pourquoi est-ce que je vous raconte cela ? Parce que je vois apparaître dans les milieux ésotériques actuellement (milieux petits bourgeois ou populaires assez invisibles des écrans officiels et pourtant il s'y joue des choses importantes sur le plan humain pour qui sait voir par delà les mots, "rien de ce qui est humain ne saurait m'être étranger", humani nihil a me alienum puto), des logiques épicuriennes : des chaînes d' "amis" se créent, sur la base de douleurs personnelles, d'envies d'aider et d'aimer.

 

Après un rude coup subi fin décembre, j'ai été dans la position de Kant dialoguant avec le mage Swedenborg dans un échange avec une jeune médium. Je voudrais d'ailleurs travailler avec le photographe Guillaume Poli, qui fut mon complice sur l'Abkhazie, sur l'univers de cette femme. J'entrevois à travers elle ces chaînes d'amitiés néo-épicuriennes (mais paradoxalement moins ecclésiales, plus libres et libertaires que l'épicurisme originel) entre gens seuls qui ont besoin de se sentir en symbiose avec des forces universelles. Tout cela mérite beaucoup de respect car ces gens brisent l'égoïsme de notre époque, ils cassent l'instinct de destruction, eux qui ont le sens du don et de la responsabilité pour autrui. Moi qui suis fidèle au Christ de Pasolini tout en étant rationaliste et athée, je suis dans leur camp, sans hésitation, contre les arrivistes, les obsédés de l'égo, les pilleurs et pilleuses, les trouillards de tout poil.

 

Lire la suite

"Le viol de l'Ukraine"

15 Février 2014 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Colonialisme-impérialisme, #Barack Obama, #Peuples d'Europe et UE

Bon, on tente d'oublier les violences et les actes de piraterie en tout genre subis cet hiver. On essaie de reprendre le travail minutieux, patient, lent, inscrit dans la durée, que nous menons depuis 15 ans. Vous savez que je suis un défenseur des libertés individuelles et collectives, adversaire résolu des actes de viol de toutes sortes, viol des individus, viol des consciences, viol des peuples, tout ce qui s'apparente au côté "je refuse le dialogue, j'impose mon point de vue, ma violence, je pille et je me tire avec la caisse après avoir profité des situations" (quels que soient les alibis qu'on s'invente pour se comporter de la sorte). C'est pour cela que j'ai intitulé mon premier article pour l'excellent site "Esprit corsaire" sur l'Ukraine "le viol de l'Ukraine", car justement, pour le coup, on est effectivement dans une situation de viol...

 

ukraine.png

Voici donc l'article :

 

Le viol de l’Ukraine

 

Le 7 février, la sous-secrétaire d’Etat aux affaires européennes et eurasiatiques de l’administration Obama, Victoria Nuland a défrayé la chronique après la publication sur You Tube d’une conversation téléphonique entre elle et l’ambassadeur des Etats-Unis en Ukraine, Geoffrey Pyatt, dans laquelle l’intéressée émet des recommandations sur la formation du futur gouvernement de l’Ukraine.

Dans cette conversation elle décrit l’ancien ministre de l’économie Arseni Iatseniouk (qu’elle appelle “Yat”) comme “le mec qui a l’expérience économique et celle de la gouvernance” (“the guy with the economic experience, the governing experience”) qui devrait être le premier ministre. Elle suggère qu’il devrait accepter d’être premier ministre comme l’a proposé le 25 janvier le président Viktor Ianoukovitch. Selon elle l’ancien boxeur Klitschko (“Klitch” dans son vocabulaire) devrait rester à l’extérieur (“on the outside”) ainsi que Oleg Tiagnibog, chef du parti d’extrême droite Svoboda, les trois constituant selon elle un trio crucial qu’elle appelle “the big three.”

Cet entretien piraté a nourri divers commentaires, notamment en Allemagne, parce que Nuland y propose en des termes peu amènes (« Fuck the EU ») d’exclure l’Union européenne de la vaste réorganisation politique dont elle se croit l’organisatrice, et recommande que ce soit plutôt l’émissaire de l’ONU Robert Serry qui persuade Klitschko de rester hors du gouvernement (Klitschko était en effet souvent présenté comme l’homme de l’Union européenne et de l’Allemagne où il est résidant).

Devant la levée de boucliers provoquée par son « Fuck the Europe », Nuland s’est excusée pour son vocabulaire, ce qui revenait à confirmer l’authenticité de l’enregistrement, mais n’a pas émis de regret sur le fait d’avoir véritablement cherchée à « téléguider » la composition du futur gouvernement ukrainien.

En France, la directrice de la rédaction de l’ancien journal de référence « Le Monde », Sylvie Kauffmann, dans un article titré « Les cinq leçons du "fuck the EU !" d'une diplomate américaine », est montée au créneau le 9 février pour minimiser la gravité des propos de Victoria Nuland, en reconnaissant qu’il y avait là « une étonnante maladresse, voire arrogance, dans la méthode » (sic) mais en dénonçant surtout l’utilisation des « vieilles ficelles du KGB » par le gouvernement russe accusé d’avoir publié la conversation. Etrangement d’ailleurs, la journaliste ne trouve pas la responsable américaine arrogante dans l’absolu, mais « compte tenu des échecs américains à installer des équipes au pouvoir dans des pays étrangers depuis dix ans ». On retrouve là un codex subliminal très répandu dans l’esprit des atlantistes en France et déjà très visible au lendemain de l’invasion de l’Irak : on approuverait plus aisément la prétention des Etats-Unis à façonner le monde conformément à leurs intérêts si ceux-ci se montraient un peu plus efficaces dans leur politique d’ingérence…

L’agacement de Sylvie Kauffmann se comprend. Les propos de Victoria Nuland apportent de l’eau au moulin de la thèse du gouvernement russe (et de divers cadres du parti des régions au pouvoir en Ukraine) selon laquelle les manifestations qui ont lieu en Ukraine depuis le refus de Kiev de signer un accord d’association avec l’Union européenne seraient un acte 2 de la « révolution orange » de 2004, impliquant le gouvernement américain et les oligarques. Sergeï Glaziev, conseiller du président Poutine, a accusé les Etats-Unis d’investir 22 millions de dollars par semaine dans le soutien aux manifestants, une accusation pour l’heure assez difficilement vérifiable et qui n’a donné lieu à la publication d’aucun rapport circonstancié – mais les coulisses des précédentes « révolutions de couleur » n’avaient été connues qu’après coup, et encore d’une manière fort incomplète.

Pour l’heure en tout cas, malgré les appels des chantres habituels de l'ingérence (A. Glucksman, A. Finkelkraut, A. Besançon) à la mobilisation pour l’Ukraine (dans « Le Monde » du 21 janvier), les plans de l’administration Obama semblent avoir échoué. Arseni Iatseniouk a refusé le poste de premier ministre, et le président Ianoukovitch joue plutôt intelligemment la carte de la temporisation et de l’apaisement, face à une opposition au sein de laquelle l’extrême droite anti-sémite (Svoboda, Pravyi Sektor), qui s’est emparée de sièges d’administrations dans l’Ouest du pays, assume un rôle de plus en plus actif, dans le silence assourdissant de ses partenaires et de l’Occident. Mais le risque de guerre civile perdure, pour la plus grande inquiétude notamment des milieux d’affaire allemands… et du gouvernement de Mme Merkel, qui pourrait bien trouver dans l’affaire ukrainienne, comme sur la Libye et la Syrie, un nouveau point de désaccord avec ses bouillants alliés de l’Alliance atlantique…

Frédéric Delorca

 

Retrouver aussi l'article ici

Lire la suite
<< < 1 2 3