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Le blog de Frédéric Delorca

Articles avec #lectures tag

"Les enfants humiliés" de Georges Bernanos

30 Mars 2011 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Lectures

P1010801.jpgJ'ai le choix cet après-midi entre m'indigner de ce que l'individu qui fait office de ministre des solidarités et de la cohésion sociale en France en ce moment veuille pénaliser la fréquentation des prostituées (plutôt que de s'en prendre aux trafics humains en restaurant l'autorité des Etats en Europe de l'Est par exemple, et lancer une véritabe politique du bien-être au niveau des ministères français) et me scandaliser de ce que Gallimard ait intitulé en 1949 les écrits sur la guerre de Bernanos "Les enfants humiliés".  Je choisis le second sujet : le plus inactuel, mais aussi le plus instructif sur la difficulté des auteurs à toutes les époques à faire vraiment comprendre ce qu'ils disent. Je suppose que Gallimard était cette année là en compétition pour trouver le titre le plus inapproprié et le plus ridicule qui soit. Si tel est le cas, ils ont bien réussi.

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Un livre collectif de "Correspondances internationales"

3 Novembre 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Colonialisme-impérialisme, #Lectures

800px-Map_Non-Aligned_Movement.pngVous trouverez à l'adresse http://www.parutions.com/index.php?pid=1&rid=4&srid=94&ida=12835

ma recension du livre collectif de "Correspondances internationales" : "Groupons nous et demain".

Un forum pour l’après-crise

 

Collectif, Groupons-nous et demain ! La crise internationale et les alternatives de gauche

L'auteur du compte rendu : Essayiste, docteur en sociologie, Frédéric Delorca a publié entre autres, aux Editions du Cygne, Transnistrie : Voyage officiel au pays des derniers Soviets (2009).

 

L’Internationale communiste est morte au XXème siècle. Mais dans son sillage des intellectuels et cadres de partis marxistes ou simplement de « gauche de la gauche » entretiennent des réseaux plus ou moins informels, qui, à l’occasion, peuvent constituer des sortes de « think tanks » alternatifs.

 

Tel est le cas de groupe « Correspondances internationales », né dans la mouvance du Parti communiste français dans les années 1990, qui aujourd’hui crée une collection du même nom aux éditions Le Temps des Cerises, et publie les actes d’un colloque co-organisé en juin 2009 à Sao Paulo avec le Parti des travailleurs brésilien, le Parti communiste du Brésil, et les Fondations Perseu Abramo et Mauricio Grabois.

 

Les diverses contributions à ce colloque consacré à l’analyse de la dernière crise financière mondiale sont regroupées autour de quatre axes principaux intitulés respectivement « quelle crise ? », « quel monde ? », « quelle résistance ? » et « quelle alternative ? ». Il réunit des intervenants d’horizons géographiques variés (indien, chinois, portugais, français, étatsunien, britannique, hongrois, polonais, mauritanien, vietnamien, argentin, sud-africain, cubain, égyptien etc.) et au-delà de la mouvance communiste stricto sensu : ainsi le secrétaire international du Parti communiste du Brésil dans son introduction associe-t-il à plusieurs reprises « communistes et anti-impérialistes » ou militants « communistes et de gauche conséquente » pour élargir « le front » au-delà des marxistes classiques.

 

L’ouvrage met de la sorte à la disposition du grand public les grilles d’analyse de cette mouvance et les perspectives débattues dans ses forums internationaux. La plupart de ses contributions ont le mérite de tenir ensemble une dimension économique (l’étude du capitalisme et de ses contradictions) et un intérêt pour la géopolitique (l’impérialisme occidental comme bras armé du système capitaliste mondial), conformément à des préoccupations répandues dans le Tiers-Monde, mais qui ont souvent disparu au sein de la gauche européenne.

 

Le volet économique sera apprécié diversement selon la sensibilité de chacun. Certaines contributions, tout en se voulant « non dogmatiques », « concrètes », ouvertes à la diversité, s’attachent peut-être un peu trop à démontrer la pertinence des thèses de Marx, en sacrifiant au passage la rigueur de la démonstration. Ainsi certains paragraphes récurrents sur la baisse tendancielle (non démontrée) des profits dans l’économie capitaliste, et ce condensé un peu approximatif – et non corroboré par les faits –  selon lequel (p. 25) : « La croissance de l’emploi, au cours de [la période de la globalisation néo-libérale] a toujours été plus basse que la croissance du PIB mondial. Ces deux éléments mis ensemble, signifient que le pouvoir d’achat de la grande majorité de la population mondiale a régressé » (le lien hausse du PIB-croissance plus faible de l’emploi-baisse du pouvoir d’achat est des plus obscures, les deux premiers termes de la démonstration montrent juste une hausse de la productivité, qui pourrait tout aussi bien se traduire par une hausse du pouvoir d’achat, notamment si les prix des produits baisses, une hausse de pouvoir d’achat qui est d’ailleurs factuellement confirmée dans tous les pays émergents, y compris dans leurs franges pauvres, ce qui, avec les pays riches, représente une majorité de la planète). On peut préférer à ces axiomes des analyses plus minutieuses, qui, ailleurs dans le livre, tout en étant fidèles à Marx, ou parfois en s’en éloignant, « collent » de plus près aux mécanismes précis des impasses de la financiarisation de l’économie depuis Reagan et Thatcher – comme la contribution de l’économiste François Morin ou le tableau noir que brosse le secrétaire international du parti communiste de Grande Bretagne des chances de son pays de s’affranchir des intérêts des hedge funds étatsuniens.

 

Sur un volet plus stratégique, le livre informe utilement le lecteur des l’état des forces en présence pour lutter contre l’oppression financière mondiale. Les données livrées sont documentées, et le plus souvent introuvables dans les grands réseaux d’information planétaires. On recommandera notamment la lecture de la contribution nuancée du président du Parti communiste ouvrier hongrois sur le positionnement de la Russie à l’égard de l’Empire étatsunien, ou de l’article inspiré de Piotr Ikonowicz, un acteur de terrain du mouvement social polonais, sur la situation de son pays, ainsi que l’analyse intéressante du secrétaire international de l’Union des forces de progrès de Mauritanie Gourmo Abdoul Lô sur l’action de la Chine en Afrique, un article qui, comme celui qui le précède de Wladimir Pomar, repère des continuités – peut-être discutables – entre la Chine de Mao et celle d’aujourd’hui, et valorise la politique chinoise de prêt et d’investissement en Afrique. L’article de Gourmo Abdoul Lô est riche en informations factuelles qui contredisent les médias dominants, notamment sur la volonté de la Chine de remédier aux effets de la concurrence déloyale faite aux PME africaines. Il ne passe pas pour autant sous silence les problèmes complexes que pose la non-ingérence politique chinoise quand il s’agit par exemple d’investir dans un pays soumis à une répression militaire féroce comme la Guinée, Gourmo Abdoul Lô plaçant ses espoirs dans le caractère « socialiste » que revendique encore le gouvernement chinois susceptible selon lui de venir un jour à bout de ce qu’il appelle le « mercantilisme étroit » de ses entreprises.

 

Le livre n’est pas exempt d’un certain pessimisme. L’article sur la Grèce après avoir énuméré une série de grèves au premier semestre 2010 conclut sur les mesures de casse sociale du gouvernement social-libéral d’Athènes, sans ouvrir d’espoirs de conquêtes. Emir Sader sur l’Amérique latine relève le regain d’activisme de la droite sur ce continent, et n’exclut pas que les régimes « post-néo-libéraux » à la Chavez ne soient que des parenthèses dans l’histoire du continent. « La page de la première vague des luttes pour l’émancipation est tournée, celle de la seconde vague n’est pas encore ouverte », observe l’économiste Samir Amin. « Je suis convaincu qu’une fois passée cette crise – comme à la fin des crises antérieures – le capitalisme sortira renforcé » renchérit même un ancien ministre de l’ex-président brésilien Lula. Au chapitre des bilans et projections, les « économies de marché d’orientation socialiste » comme le Vietnam et la Chine semblent être les plus portées à l’auto-satisfaction. Le socialisme de marché est d’ailleurs l’option que le politiste français Tony Andreani propose de généraliser, sur la base de renationalisations bancaires et industrielles (tout en rendant cependant les entreprises nationales indépendantes du pouvoir politique, ce qui n’est pas simple à envisager). Aux yeux du secrétaire international du Parti des travailleurs brésilien Valter Pomar, qui conclut l’ouvrage, l’idée d’une transition longue vers le socialisme, qui s’accommodera pendant des décennies de l’existence d’un secteur capitaliste dynamique, fait partie intégrante de l’orthodoxie marxiste. Compte tenu des rapports de forces mondiaux, la gauche ne peut donc se placer, selon lui, que sur la « défensive stratégique », en jouant, au Brésil, la carte du continent latino-américain contre l’hégémonisme étatsunien, et, au niveau mondial, en tentant de résister au système imposé par les pays du Nord. Seulement dans un second temps il s’agira d’imposer un ordre économique mondial favorable à l’expansion des marchés intérieurs (et non tourné vers l’exportation comme dans le système néo-libéral) et affranchi du système de crédit actuel.

 

Une stratégie « défensive » dont le séminaire de Sao Paulo et le livre collectif publié cet automne au Temps des Cerises se proposent d’être un des instruments.

 

 

Frédéric Delorca

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Flânerie

27 Août 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Lectures

"femmes aphrodites -  hardeuse  - femmes noires et séduction  google  - paysan béarnais  - hassina 35 ans facebook  google -blog massage chinois paris -onfray freud blog  google - attirance sexuelle homme blanc femme noire  - freudo marxisme - femmes abkhazes " voilà les mots clés qui attirent à moi une moitié de mon lectorat. Cela me dispense un peu de parler de politique, vous ne trouvez pas ? Ceux qui veulent de la politique n'ont qu'à lire le blog d'Edgar juste à côté de celui-ci, il vient de rentrer de vacances.

 

P1010148.JPG

Bon allez, peut-être juste un mot de politique quand même (pour ceux qui ont tapé "politique france identitarisme" et "le parti communiste et la décolonisation" hier pour arriver à mon blog) : la personne avec qui je déjeunais hier - et qui a bien connu les arcanes du pouvoir - disait que Sarkozy ne se représenterait pas à la présidence de la République : "C'est un jouisseur pas un bosseur, les charges publiques ne l'intéressent pas. Il voulait être un people c'est tout. Il peut finir sa vie tranquille récompensé de ses bons et loyaux services par une multinationale américaine comme l'a fait John Major après avoir fait avaler Maastricht aux Anglais. Le système a besoin de Strauss-Kahn comme président avec une extrême gauche affaiblie par la montée d'Eva Joly des Verts et une UMP affaiblie par le FN, ce parti d'extrême droite qui a déjà tant fait pour le triomphe des atlantistes en France." Il est vrai que Ségolène Royal témoignait en 2008 que 12 ans plus tôt Sarkozy lui avait dit : "Je fais de la politique, je suis donc à un poste de ministre, mais je pourrais faire autre chose".

 

Bon, voilà, je vous laisse avec cette prédiction.

 

Sortons donc de la politique. Deux maximes chinoises que je dois vous livrer aujourd'hui. "Même la plus forte des armées a encore une faiblesse : son général". Et encore celle-ci qui est ma préférée : "Celui qui vient est gentil, celui qui ne vient pas n'est pas gentil". Il ne faut pas entendre ici "venir" dans un sens sexuel, je le précise pour les moins de vingt ans qui liraient ce blog et dont l'univers mental est peuplé de fesses féminines. Moi à qui on reproche si souvent de n'être pas assez présent là ou l'attend, je ne puis qu'applaudir à ce proverbe que je trouve mieux formulé que "le absents ont toujours tort". Car c'est bien un problème de gentillesse plus que de tort. Pourquoi l'humain crédite-t-il toujour d'une forme de gentillesse celui qui vient vers lui, alors que celui qui ne vient pas, celui qui ne mendie pas son attention est souvent bien plus "gentil" et utile à son prochain que le vendeur de boniments qui frappe à sa porte ?

 

Bon en parlant de Chine je voudrais encore vous évoquer Yi, mais ce n'est peut-être pas trop le moment. Donc je continue plutôt dans la veine des citations. Je trouve ceci dans Julien Gracq (qui par ailleurs m'assomme) à propos de Don Quichotte : "L'arriération africaine des steppes de la Castille dote les exploits du Chevalier de la Manche d'une crédibiité que n'obtient pas au même degré Picrochole, fourvoyé sans vraisemblance dans l'économie de marché réaliste et roublarde des campagnes du Chinonais" (En lisant, en écrivant p. 209). Illusion d'un écrivain du XXème siècle qui projète à tort sur le 16ème siècle en un temps où elles étaient prononcées les différences économiques entre la France et l'Ibérie des années 1970 ? Peut-être bien, je ne sais pas. Mais l'argument selon lequel les ânes et les jarres à huile créent une ambiance africaine chez Cervantès, et que la métaphysique du Quijote n'aurait pas de sens sans cela est juste.

 

Tout n'est pas nul chez Gracq. Par exemple quand il souligne que Gide n'avait pas d'orgueil intellectuel solitaire (une chance rare pour un écrivain) ou quand il recense les différentes visions de Paris que portent les grands auteurs du 19ème siècle. Paris étant une des trois ou quatre malédictions qui pèsent sur ma vie (et qui peut-être pèsent aussi sur toute la France), je ne puis qu'y être sensible.

 

Bon voilà. Toutes mes excuses à vous tous qui lisez des blogs pour des raisons utilitaristes (c'est le cas, je crois, de 90 % des Internautes : on ne flâne plus, ni sur Internet ni ailleurs). Dans ce billet il ne pouvait rien y avoir d'utile.

 

 

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Le livre de Louis Mazuy

27 Juin 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Lectures

P1020389.jpgCi-joint mon compte-rendu du livre de Louis Mazuy, Alternative au capitalisme : http://www.parutions.com/index.php?pid=1&rid=4&srid=94&ida=12444

Une analyse anticapitaliste de terrain…

 

Louis Mazuy, Alternative au capitalisme

L'auteur du compte rendu : Juriste, essayiste, romancier, docteur en sociologie et diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris, Frédéric Delorca a publié entre autres, aux Éditions Le Temps des Cerises, Programme pour une gauche française décomplexée (2007).
 

La critique du capitalisme a fait couler beaucoup d’encre ces dernières années  (on peut citer dans la sphère francophone des personnalités du monde universitaire aussi diverses qu’Alain Badiou, Lucien Sève, Christian Arnsperger, Slavoj Žižek, Samir Amin, Rémy Herrera etc). Dans ce sillage les élections Syllepse proposent la contribution au débat d’un homme de terrain : Louis Mazuy, élu communiste du Nord-Pas-de-Calais, ingénieur développement dans une filiale d’Areva et ancien dirigeant de l’Union fédérale des ingénieurs, cadres et techniciens UFICT-CGT de la métallurgie.

 

La première moitié de l’ouvrage de Mazuy offre une synthèse de la situation actuelle du capitalisme telle que l’énoncent généralement les tendances dominantes de la gauche marxiste ou marxisante : suprématie du paradigme néo-libéral dans le cadre d’une mondialisation qui fragmente les classes dominées, montée de l’individualisme, aliénation des gens dans les relations de travail, apories de la priorité accordée à la finance, impérialisme prédateur des Etats-Unis d’Amérique. Tout en soulignant que la menace du communisme soviétique a pu pendant la guerre froide avoir pour effet positif d’ancrer le capitalisme occidental dans un compromis social-démocrate, il reconduit le fonctionnement de léninisme aux mécanismes anthropologiques profondément religieux qui présidèrent à son émergence y compris chez ses adeptes en Allemagne ou en France, la critique de la religiosité soldant ainsi, en quelque sorte, les errements du passé comme pour ouvrir un horizon « post-religieux » au communisme (mais y a-t-il jamais du « postreligieux » en politique ?).

 

Les facteurs de dépassement du capitalisme, Mazuy ne les décèle pas seulement dans les contradictions internes que recèle ce système mais aussi dans les « dynamiques sociales », c’est-à-dire toutes les initiatives humaines qui n’entrent pas dans la logique capitaliste d’accumulation. Pour lui, comme pour Lucien Sève, il ne s’agit plus de placer le communisme dans l’ordre des fins, mais au cœur d’une réflexion sur la transformation des rapports quotidiens entre les hommes. Il rejoint ainsi une veine largement exploitée par l’anthropologie anarchiste (Chomsky, Graeber etc.). L’originalité du livre tient toutefois à sa sensibilité particulière aux problèmes actuels des entreprises, qui lui permet d’esquisser des pistes de réflexion très concrètes, par exemple sur ce que pourraient être les nouvelles modalités de la nationalisation de l’appareil productif, les façons innovantes de penser l’actionnariat et d’instaurer un contrôle social sur la fixation de la valeur d’échange des biens et services. A partir d’une nouvelle conception du rapport entre l’entreprise et la société (par le biais du contrôle conjoint de comités de salariés et de comités de consommateurs), ainsi que des rapports humains dans l’entreprise, l’humanité pourrait ainsi d’affranchir du conditionnement capitaliste.

 

Cette polarisation sur l’entreprise a le mérite d’éclairer des aspects inhabituels du malaise dans la globalisation capitaliste. Elle présente cependant l’inconvénient de passer sous silence les moyens concrets (stratégiques) de la transition vers un modèle d’économie de marché plus « socialisé » (au sens de davantage tourné vers la justice sociale et la prudence écologique) : quels syndicats, quels partis, quelles alliances, quel Etat, ou quelle coalition d’Etats peuvent imposer un changement aux entreprises ? au terme de quelles élections, de quelles insurrections, de quelles grèves, de quels boycotts ? Louis Mazuy parle d’incitations fiscales, de mobilisations transnationales des peuples européens pour qu’en quelque sorte, sans viser aucun modèle politique prédéfini, l’humanité s’autoaffecte et s’auto-éduque dans un sens non-capitaliste, mais ne donne aucun point d’appui dans le réel (sauf quelques micro-événements qui n’ont jusqu’ici reçu aucun prolongement d’envergure comme la mobilisation solidaire des salariés de Renault en France et en Belgique en 1997). A aucun moment la possibilité d’une résistance idéologique voire militaire efficace des oligarchies capitalistes n’est envisagée, encore moins les moyens de dépasser pareille résistance (sur ce point le pari sur l’auto-transformation harmonieuse ne frôle-t-il pas l’angélisme, avec une religiosité qui n’a rien à envier au stalinisme d’autrefois ?) En outre on peut douter que la transformation des rapports de travail suffise par elle-même à la réorientation culturelle complète (et notamment à celle de l’enseignement public et des médias) que requiert en principe la décolonisation et la « dé-néo-libéralisation » des imaginaires.

 

L’ouvrage en tout cas a le mérite d’apporter des éléments intéressants à la réflexion sur l’avenir des principes d’organisation sociale de la gauche, qu’il sera utile de croiser avec les récentes études prospectives issues d’autres courants progressistes.

 

 

Frédéric Delorca

 

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"Quai d'orsay" de Blain et Lanzac (suite)

24 Mai 2010 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Lectures

En lisant cette BD on se rend compte du pouvoir évocateur de ce genre artistique. Supposez que l'auteur du scénario en ait fait un film. On aurait sans doute eu un navet du genre "Le promeneur du Champ de Mars" de Guédiguian (qui part du même principe : regard d'un jeune sur un homme d'Etat).

 

Le dessin de Blain permet ici de restituer à merveille l'imaginaire des protagonistes, leurs inquiétudes, leurs aspirations, en jouant sur les proportions des personnages, des décors, la restitution des mouvements, souvent vifs comme des tornades.

 

Le livre montre bien (du moins d'après ce qu'on eut en savoir de l'extérieur) la personnalité très "particulière" de Dominique de Villepin, sans jamais la juger, et sans permettre de trancher, finalement, l'éternel débat qui court depuis des années : fut-il un vrai génie de la diplomatie ou juste un velléitaire ? (même débat qui existe d'ailleurs sur ses talents d'écrivain, sur lesquels je ne me prononce pas ne l'ayant jamais lu : est-il juste un baudruche des beaux quartiers, ou un homme animé par une réelle fibre littéraire ?).

 

J'ai entendu de Villepin au salon du premier roman de Draveil (cf vidéo ci dessous). Il y avait un certain brio dans son discours. C'est tout ce que je puis dire pour ma part de la sincérité de son engagement littéraire. Sur le plan diplomatique je peux dire en revanche avec certitude que son engagement anti-néocons fut des plus insuffisants.

 

La BD restitue aussi, outre l'ambiance assez étrange des cabinets ministériels, la passion de l'action qui habite de Villepin. C'est une constante dans l'imaginaire gaulliste. Quand je suis sorti de la grande-école-que-je-dois mentionner-le-moins-possible-pour-n'embêter personne, j'ai failli intégrer la mairie de Paris. A l'époque elle était gouvernée par les chiraquiens qui parlaient d'action à tout bout de champ, comme s'ils étaient en permanence sur un champ de bataille. Ils ont hérité ça de Chirac, et plus profondément de Malraux. Je crois que c'est Malraux, avec son fond nietzschéen, qui a donné au gaullisme cette dimension de sacralisation du "faire", de l' "agir" contre toute essence de l'identité stabilisée. Le gaullisme c'était le mouvement. Chirac en a retenu la leçon au point de passer pour un agité, et de Villepin aussi. Sarkozy a poussé cette tendance jusqu'à la caricature.

 

Pas étonnant que toute la BD soit sous le signe d'Héraclite, philosophe du mouvement permanent, qu'apparemment de Villepin appréciait.

 

Ce faisant le gaullisme se fait le complice du "bougisme" du capitalisme triomphant. Et c'est une mauvaise compréhension de Nietzsche dont le volontarisme se teintait souvent de connotations russes à la Dostoïevsky, voire asiatiques, avec une fascination pour la volonté passive : "vouloir être voulu, et vouloir ce qui est voulu". Il y a un éloge du rythme juste chez le Nietzsche mélomane (et mauvais compositeur de musique), qui peut s'accomoder parfois de la plus grande lenteur. De Villepin n'est pas du tout sur cette ligne.

 

Pour finir sur cette BD, je dois dire que j'aime beaucoup la relation filiale que le narrateur finit par nouer avec de Villepin, et qui dit quelque chose de profond des ressorts de l'action politique.

 

Il faudra à l'occasion que je vous parle du colloque "L'islam en France et en Europe Hier, aujourd'hui et demain‏" auquel j'ai assisté hier à l'université Paris 10 (en fait je n'ai suivi que la première partie le matin, et pas celle où était Tariq Ramadan l'après-midi car ensuite je me suis rendu à une assemblée de sages maliens à Montreuil). La vidéo de cette rencontre importante sera bientôt sur le site de "Réveil des consciences".

 

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Esthétique réac, Cohn Bendit, Chavez

2 Décembre 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Lectures

Cela m'attriste toujours. Quand je tombe sur un livre bien écrit, plein d'idées, et que je découvre que son auteur appartient à la droite de la droite, à cette mouvance un peu bizarre qui s'est formée autour d'Alain de Benoist et d'autres. Je me demande alors ce que je peux faire de ce genre de livre, comment en parler. C'est le cas de Ludovic Maubreuil, qui a son blog à quelques clics d'ici. Son bouquin "Le cinéma de se rend pas" publié chez un petit éditeur de ma contrée d'origine n'est pas mauvais dutout. Je lis les 40 premières pages, je suis d'accord avec tout. J'apprécie surtout la précision du style. Son descriptif des techniques de mise en scène de l'érotisme dans le cinéma contemporain est un modèle du genre. Ce qu'il dit du rapport du cinéma classique au style X est intéressant, quoique le présupposé de départ soit aux antipodes de Julien Servois que j'aime beaucoup aussi (mais il faudrait parvenir à faire dialoguer les deux approches entre elles pour voir à quoi cela mènerait).

Je me dis : "C'est lui qui se fourvoie, parce qu'on ne peut pas clamer son amour de Bunuel comme le fait ce type à longueur de pages et fricoter avec l'extrême droite". C'est un argument évidemment que les benoistiens ne peuvent pas entendre parce qu'ils sont tellement dans une "fin de l'histoire" postmoderne, qu'ils sont convaincus que Bunuel et Franco ont des choses à se dire outretombe. Mais non, je sais ce qui est à droite de la droite dans son texte, même si ça ne ressort jamais de son vocabulaire. C'est que justement il n'est pas du bord de Servois. Il défend une mystique de l'érotisme à la Marzano, au fond, alors que je suis sans doute davantage prêt à suivre Servois dans sa banalisation de la sexualité. En fait nous sommes au seuil du Styx. Le libéralisme a ouvert la voie d'une instrumentalisation de la sexualité à des fins consuméristes. Servois relève le défi en prétendant pouvoir tourner cet acquis vers autre chose. Notez que c'était déjà la position de Marx à l'égard de toutes les autres transformations causées par le capitalisme libéral. Maubreuil lui reste sur la berge, regarde avec nostalgie vers le passé. C'est ce qui fait de lui un réac. Tous ces gens gardent une peur du progrès, c'est leur trait caractéristique, une méfiance à l'égard de l'homme. Ouf, ça y est, je suis sauvé, je retrouve ce qui m'oppose à son esthétique. Mais cela ne m'a pas sauté aux yeux tout de suite. Parce que personne aujourd'hui ne peut être révolutionnaire spontanément, honnêtement, sans crainte. Personne n'est prêt à s'embarquer sur le Styx. Personne n'est sûr de pouvoir détourner le Styx vers des cieux plus cléments comme Staline l'était de détourner les fleuves sibériens.

Non content d'avoir mieux compris aujourd'hui le dur cheminement qui peut me distinguer des réacs, j'ai aussi mieux saisi la philosophie de tous ces gens qui crachent sur la démocratie à longueur de journée. Je veux dire les chouchous de nos medias. Ce matin en lisant que Cohn-Bendit voulait faire revoter les Suisses sur l'affaire des minarets j'ai sursauté. J'y ai vu une caricature de ce qu'avait été la position des oui-ouiste à l'égard des différents référendums sur l'Europe - le mépris de la souveraineté populaire. Quand Cohn-Bendit dit "la démocratie directe ne doit pas être le prétexte pour s’en prendre à une communauté et la blesser", je dois reconnaître qu'il a raison. Je n'accepte pas un référendum contre les musulmans, pas plus que contre les homosexuels, contre les types qui portent des bottes rouges, contre les gens qui veulent quitter la planète à tout prix etc. Mais alors quoi, si je suis prêt à faire invalider un référendum qui me semble totalitaire parce qu'attentatoire à la dignité d'une minorité, pourquoi serais-je hostile à la remise en cause des résultats d'autres référendums, sur d'autres sujets ? Mais dans l'embarras par Maubreuil, je le suis aussi par Cohn-Bendit. Me voilà bien.

Le serai-je aussi par Chavez ? Il nous annonce la création d'une cinquième internationale socialiste. On aimerait y croire. Mais malgré toute la sympathie que j'éprouve pour les initiatives "bolivariennes" du gouvernement de Caracas, je reste un peu sceptique. Il y a un risque que la cinquième ne fonctionne pas mieux que la quatrième, dont le bilan est à mes yeux risible. Elle sera sans doute moins dogmatique que les deux précédentes en tout cas, du moins si c'est le Venezuela qui les inspire. Peut-être un atout, qui sait...

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Le dernier livre de Christian Arnsperger

20 Octobre 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Lectures

"Ethique de l'existence post-capitaliste" - Lu sur les conseils d'un lecteur de ce blog, je l'ai commenté pour Parutions.com ici :
http://www.parutions.com/index.php?pid=1&rid=4&srid=94&ida=11529

Christian Arnsperger, Ethique de l’existence post-capitaliste

L'auteur du compte rendu : Juriste, essayiste, docteur en sociologie, Frédéric Delorca a publié entre autres, aux Editions Le Temps des Cerises, Programme pour une gauche française décomplexée (2007).
 

 

                                               Pour un yoga anti-capitaliste


Christian Arnsperger, économiste belge, s’est fait connaître dans la sphère alermondialiste avec un ouvrage « Critique de l’existence capitaliste : Pour une éthique existentielle de l’économie ». Il propose aujourd’hui aux lecteurs ce qu’il présente comme le complément de ce précédent livre : une réflexion sur les voies et moyens de mettre en œuvre une politique de gauche « sans complexe » et « authentique » face à ce qu’il nomme la « gauche capitaliste » (c'est-à-dire la gauche de gouvernement dans les pays occidentaux).

 

La tâche à laquelle se confronte l’auteur n’est pas mince. En effet comme il le remarque «si la gauche capitaliste, c'est-à-dire  la seule "gauche" électoralement visible aujourd’hui, fait bâiller, la gauche post-capitaliste fait frissonner » (p. 157). Son plaidoyer en faveur de cette dernière doit donc se donner les moyens de surmonter le « frisson ». Pour ce faire Arnperger s’attache à déconstruire les racines anthropologiques du capitalisme, qui conduisent à ce qu’il appelle, reprenant le vocabulaire de la psychopathologie une « fixation » à laquelle conduit le système actuel : c'est-à-dire l’identification totalitaire des visées aux fins pour persuader chacun qu’il n’y a aucune alternative possible (achèvement parfait de l’aliénation selon Arnsperger).

 

inachevé

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Le dernier livre de Michel Collon sur Chavez

7 Octobre 2009 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Lectures

Vous trouverez ma recension pour Parutions.com des "7 péchés d'Hugo Chavez" ici :
http://www.parutions.com/index.php?pid=1&rid=4&srid=97&ida=11414

La révolution vénézuélienne mode d’emploi

 

Michel Collon, Les 7 péchés d’Hugo Chavez

 

 

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