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Le blog de Frédéric Delorca

Articles avec #lectures tag

Who's that guy ?

30 Janvier 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Lectures

bishopAllez, moi aussi je me mets au teasing :un indice pour le reconnaître : il a été mis à l'honneur dans un film récent sur une philosophe antique.

 

Je commande sa correspondance ce soir.

 

Nous en reparlerons prochainement.

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Point n’est besoin d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer

27 Janvier 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Lectures

"Point n’est besoin d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer." Ha la belle devise de Guillaume d'Orange ! Tout le stoïcisme est là-dedans ! Rien à voir avec le finalisme marxiste. De l'apriorisme pur !

 

Blandine Kriegel dont j'ai découvert le dernier bouquin grâce au blog de BHL, exhume à juste titre cette citation qui vaut le plus beau des encouragements (mieux que l'exemple qu'un lecteur m'avait donné en novembre pour m'inciter à reprendre mon blog) d'autant plus qu'elle a été prononcée par un homme d'une grande envergure historique (que l'auteure compare à une sorte "d'âme du monde sans cheval" si je me souviens bien de ses termes ironiques à l'endroit de Hegel).

 

books.gif

Mais oui, il faut puiser nos références chez les grands hommes qui ont déployé leur génie dans l'histoire réelle, dans l'action, et au prix de leur vie, plutôt que chez les fantômes internautiques. Sainte Blandine tient un beau sujet avec la révolution néerlandaise, même si elle le gâche un peu avec ses manières grande bourgeoise : "Ah ! les beaux tableaux de Bruegel", "Ah les musées !" "Ah la démocratie parlementaire modérée !" "ha Spinoza !".

 

J'apprends mille choses. Le rôle des protestants français qui ont combattu en Hollande. Oui... ceux qui me travaillent tant depuis mes travaux sur l'histoire des parlements français (et aussi ma vieille lecture de Walzer, c'est lié aussi à mes origines béarnaises). Et les marranes aussi. Ah, les marranes ! Dans la revue Books ce mois-ci une critique par David Nirenberg dans la London review of Books de 2009 du dernier livre de Yirmiyahu Yovel "L'aventure marrane. Judaïsme et modernité", ça rejoint Blandine Kriegel. J'ai lu ça en diagonale dans le RER hier. La phrase "Les conclusions de Yovel font parfois involontairement écho aux arguments formulés, au début du XXesiècle, par les critiqyes antisémites de la modernité", et cette autre "L'auteur voit dans les marranes le meilleur exemple de l'impossibilité d'échapper à la judéité". Yovel pourtant est laïque. Je me souviens avoir lu son bouquin sur Spinoza en 91 ou 92. Nirenberg se sent enfermé par la survalorisation des marranes. Problème des universitaires qui exagèrent parfois l'importance de leur sujet. Pour ma part je ne sais pas.

 

Je ne sais pas non plus s'il faut survaloriser la révolution néerlandaise. Intuitivement j'ai tendance à penser que la révolution suisse antérieure, fut plus importante, et la deuxième révolution suisse, la révolution dans la révolution à Genève, le fut aussi. Mais je n'ai pas encore lu la deuxième partie du livre de Kriegel, celle qui parle de la théorisation politique de la révolution hollandaise. Attendons donc un peu.

 

Je lis dans les transports, je me transporte dans la lecture. Voyages. Le lecteur qui avant-hier cherchait "Frédéric Delorca idéologue" sur Google est -il le même qui hier a tapé "de droite Frédéric Delorca" et "Frédéric Delorca sur le socialisme" ? Il y a en tout cas de la volonté de m'étiqueter dans l'air. On veut me river dans des cases. Mais je reste pour ma part dans le voyage, dans la translation.

 

p1000082.jpgDes voyages sans aller bien loin, autour de Paris, mais des voyages quand même. Hier je suis sorti du métro Gare Du Nord côté rue de la Chapelle pour tomber sur ce tronçon de la rue du Faubourg Saint-Denis où s'alignent sans interruption les commerces indiens : statuettes de Ganesh et et de Shiva, salons de manucure et de massage tamouls, restaurants. On croirait avoir changé de continent. Puis je me suis retrouvé boulevard de Strasbourg au niveau du numéro 40, là où les boutiques ne sont plus que salons de coiffure afro, fast-food "Best of Africa", et officines de manucure qui puent les produits chimiques où des petits chinoises industrieuses et masquées liment les ongles de filles noires. Un ami m'a fait visiter une galerie non loin de l'arc de triomphe de Strasbourg Saint-Denis où tous les restaurants étaient indiens. "Indiens du Nord, a précisé l'ami, pas comme à Gare du Nord où ils sont tamouls". Nous train.jpgavons dîné dans un excellent restaurant turc. Au retour dans ma rame de métro, à l'autre bout du wagon, un type aux yeux bridés s'est fait tabasser gratuitement par un grand black barbu excité portant bonnet. Pas un mot des gens autour de lui, pas un soupir, même pas un cri comme les femmes en poussent d'habitude en pareille circonstance. Comme un film sans parole. Le type passé à tabac est descendu et s'est retrouvé seul à marcher sur le quai avec ses ecchymoses et le non-sens de ce qui lui était arrivé. La vie urbaine devient de plus en plus irréelle.

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"Dans les forêts de Sibérie" de Tesson (suite)

19 Janvier 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Lectures

Tesson Siberie livreJe continue de lire Tesson, de méditer sur son témoignage. Et pourquoi pas ? Il y a deux siècles on méditait sur Jean-Jacques. Jean-Jacques pouvait être jugé médiocre, car trop récent, comparé à Plutarque. Tesson ne sera sans doute pas à Jean-Jacques ce que Jean-Jacques fut à Plutarque, ne serait-ce que parce que Jean-Jacques fut le premier à parler des forêts, tandis que Tesson n'est qu'une queue de comète, mais qu'importe.

 

Tesson d'ailleurs assume son côté "caudesque" (in cauda venenum). Il mobilise les références aux grands ermites qui l'ont précédé comme l'Antiquité tardive compilait sans créativité les textes classiques. Il sait qu'il ne peut pas innover, qu'il ne peut que témoigner d'un déclin, d'une fin. De ce point de vue là il joue carte sur table. Bientôt l'érémitisme n'aura plus sa place nulle part, parce qu'il n'y aura point de forêts. Comme il n'y a déjà presque plus de désert depuis que les milices d'Al Qaida ou d'autres guérillas les écument (sauf peut-être en Australie). Tesson est parisien, inexorablement. Touriste parisien à chaque minute de son expérience, mal gré qu'il en ait. Jamais une pensée plus haute que l'autre, jamais un désespoir. Juste un magnétophone un peu fade qui enregistre sans fin les variations de températures, qui se fait un peu peur en se disant qu'il pourrait mourir dans la neige, qui joue les mystique mais ne trouve d'amour que pour les mésanges.

 

Mais au moins tout cela est honnête, sans fard, et bien écrit, avec beaucoup de jolis mots, même si certains reviennent un peu souvent comme le verbe "pulser".

 

Il y a de belles histoires dans ce livre comme ce récit d'une Russe qui a chassé le loup avec des cailloux et ses vaches (p. 88). Je dois à Michèle Julien dont je désapprouve 80 % des écrits mais qui publié chez le même éditeur que moi de m'avoir fait poser un regard nouveau sur les vaches. Tesson va dans le même sens.

 

Il rend aussi justice à ce peuple de fous qu'appelle les Russes, dans des termes voisins de ceux que j'emploie dans mon livre sur l'Abkhazie. Peut-être s'il les avait croisés moins souvent son livre eût-il été plus juste, mais dans le monde actuel les gens sont finalement partout. Notons qu'il ny a pas un mot sur la sexualité dans la première moitié du livre (j'en suis à la page 105) sauf deux lignes cursives sur un type qui se soûle pour la journée de la femme. Preuve s'il en est que la sexualité n'est plus du tout une valeur, aujourd'hui, même lorsqu'on en est privé. Jadis on écrivait des livres entiers sur les fantasmes des ascètes. Il faut intégrer cela à notre réflexion, c'est devenu complètement un non-sujet dans le paysage contemporain, aussi dénué d'intérêt que la gymnastique... A suivre...

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Saint Sylvain Tesson : "Dans les forêts de Sibérie"

16 Janvier 2012 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Lectures

Tesson_Siberie_livre.jpgPeut-on défendre, comme je le fais, un néo-stoïcisme placé au service du développement de l'espèce humaine, tourné vers un idéal de justice, et, par ailleurs, défendre le livre de Sylvain Tesson qui prône la solitude dans les forêts de Sibérie ? Je prétends que oui. Tout comme la religion de l'amour, le christianisme pouvait trouver dans l'érémitisme sa plus haute expression.

 

Vous allez me trouver un peu bobo peut-être, mais franchement j'estime que le succès de "Dans les forêts de Sibérie" (Gallimard 2011) est mérité. Tesson est mon maître désormais. Je croise son ouvrage alors que les considérations de Romain Rolland sur le silence par exemple m'avaient déjà placé sur cette voie. A vrai dire mon attirance pour l'érémitisme est très ancienne, et j'ai même failli fonder une communauté de renonçants avec un ami dans l'Ardèche il y a sept ans. Il ne vous aura pas échappé non plus que le retrait du monde est la démarche du héros de mon roman La Révolution des Montagne à un moment crucial de l'intrigue. Mais fonder une communauté c'est encore trop. La solitude radicale que choisit Tesson est bien meilleure. Cependant pourquoi seulement durant six mois ? N'y a-t-il pas quelque imposture dans cette solitude "sur mesure", ce tourisme de la solitude ? Je vous le dirai quand j'aurai terminé la lecture du livre. En attendant pensons à Nietzsche dans ses montagnes, et à son éloge d'un autre exilé Sibérien, Dostoïevski. Pensons aux belles considérations de Peter Brown sur Saint Antoine en Egypte. La plus haute réalisation de soi se trouve sans doute là.

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Ivo Andric, les Balkans, la Turquie

14 Septembre 2011 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Lectures

kmgd.jpgA l'heure où Erdogan est accueilli au Caire comme un nouveau Nasser, il faut lire Le pont sur la Drina, chef d'oeuvre écrit en 1945  par un homme devenu prix nobel de littérature en 1961... et seulement traduit en 1994 (faut-il que la France méprise les Balkans pour avoir attendu si longtemps !).

 

Je ne sais si Kusturica sera à la hauteur au niveau de l'adaptation cinématographique, mais c'est vraiment de la grande littérature, très fine, en empathie avec les groupes et les individus qu'elle fait évoluer sur quarante ans (des années 1870 à la première guerre mondiale). Un livre qui non seulement vous fait ressentir profondément l'histoire et la mentalité des Balkans (ce mélange d'univers turc et slave) au delà de la vision abstraite des cartes géopolitiques, mais aussi, qui à travers les particularités de cette région parvient à une approche si attachante de l'humain qu'elle en devient universelle - l'on voudrait même que chaque partie du monde pût avoir son "Pont sur la Drina" qui eût permis au reste de l'humanité de se reconnaître en elle. Il faut dire que l'endroit s'y prêtait. Visegrad sous la botte autrichienne, à quelques kilomètres à la fois de la frontière turque et de la frontière serbe. Ce pont, magnifique et magique, "le rêve d'un Vizir" natif de la région.

 

On comprend tout : l'occidentalisation par les Habsbourg, les remous politiques qu'elle entraîne avec l'émergence des nationalismes (serbe, musulman, juif), et cela vous est raconté à travers les regards, les silences, la nouvelle façon qu'ont les jeunes gens de parler, de séduire, de se battre. Ce nouveau rapport au temps quand l'administration autrichienne vient tout mesurer et fait construire un train qui relie la région à Sarajevo. Et la réaction des paysans, ces oubliés de l'histoire, cette chair à canon, ces gens qui ont leur façon à eux d'entendre, de commenter, et de se taire, qu'ils croient en Allah ou en Dieu - quelque chose qui me fait penser, moi, aux paysans du Béarn que j'ai connus, ceux d'avant la télé et d'avant les automobiles. Et en même temps, on sent qu'il y a autre chose : le rapport à la terre, à la vie en plein air, certes, à ces bourgeois qui aiment se moquer de vous et vous tromper en vous faisant croire que le train est déjà parti alors qu'il ne s'en va que dans trois heures, mais aussi ce rapport aux valeurs orientales "le doux silence" indolent vertu cardinale de l'empire ottoman (je me souviens de mon passage à Belgrade quand mon ami à Kalemagdan me disait "allons marcher en devisant tranquillement, fichir bei comme disaient les intellectuels turcs). Pensez à la belle endormie qui était la forme de la Turquie sous la plume de nos dessinateurs d'avant-1914, pensez par contraste à L'Homme sans qualité de Musil dans cette Vienne trop rationnelle, trop inquiète (notre modernité, des écrits de Trotski réfugié en Autriche à ceux de Freud, qui la quitta vient de là).Tout cela est captivant. On aurait voulu un Pont sur la Drina "tome 2" : sur le Visegrad de la première Yougoslavie, celui de l'occupation nazie, celui de la Yougoslavie communiste, celui de la guerre civile de Bosnie (qui a sans doute éradiqué ce qu'il y restait d'oriental et de turc).

 

On voudrait visiter Visegrad, en pélerinage, comme une Mecque de la littérature, une ville qui a permis le miracle littéraire de ce roman d'Andric, qui a permis à l'humanité de chacun de grandir à travers le roman de Visegrad. On aurait voulu le voir avant que Kusturica n'y construise son parc d'attraction (le décor de son film qui est destiné à perdurer pour "attirer de devises" dans la région). Kusturica a-t-il conscience de la lourde responsabilité qu'il prend en tournant ce film et en laissant ce parc d'attraction ? Est-il conscient du risque de transformer cette ville en Dysneyland ? Veut-il par ce biais recréer le Visegrad multiethnique ? Un multiethnisme sous l'égide des dollars (ou des yuans) et de la consommation, ce n'est pas bon du tout. Peut-être la seconde mort du vizir qui construisit le pont, la deuxième mort de la culture ottomane en Serbie orientale. Une mienne correspondante turque dont les ancêtres étaient de Sarajevo me faisait part récemment de son scepticisme "instinctif" à l'égard du projet de Kusturica. A juste titre je pense. Il faut dire aussi qu'elle n'aime pas l'ambiance de foire de ses films (que moi pourtant j'apprécie bien). Il est certain que cette ambiance serait elle aussi, par elle-même, un crime contre le "doux silence". Kusturica est-il capable de faire un film silencieux ? C'est ce qu'il faudrait à Visegrad.

 

Je parle de tout cela d'autant plus tranquillement que je me suis désengagé de mon intérêt de Balkans progressivement depuis 2001. C'est pourquoi j'ai attendu 10 ans avant de lire Andric. Mon point de vue est donc désormais détaché et assez impartial, je crois. Je salue la générosité d'Andric, le Croate, lui aussi étranger à l'égard de la Bosnie orientale, qui a trouvé tant d'inspiration pour parler des gens de cette terre comme s'il étaient ses propres ancêtres. C'est la même générosité - une générosité lucide du point de vue des valeurs universelles -, je suppose, qui lui fit prendre le parti des serbes résistants, quand son propre pays était gavé d'exaltation nazie.

 

Aujourd'hui M. Erdogan devient "néo-ottoman" et va porter la bonne parole turque de la Somalie affamée à la Tunisie incertaine. Tant mieux pour les habitants de Gaza qu'il veut aider avec sa flotte de guerre, mais ce n'est pas sans danger. En même temps je comprends que la Turquie veuille reconstituer son empire, ou un crypto-empire, quand nous mêmes, de Clinton à Obama et de Jospin à Sarkozy, nous comportons de façon impériale. L'impérialisme suscite d'impérialisme. Rien de nouveau sous le soleil.  Bella ciao, qui a eu la bonté de publier mon dernier billet sur le Nicaragua, édite aussi des passages des articles de Jaurès dans la Dépêche du Midi sur la conquête de la Tripolitaine. Jaurès faisait remarquer au début du XXe siècle que la conquête de Tripoli suscitait l'indignation de tout le monde musulman. Dans Le pont sur la Drina il y a un passage où les jeunes musulmans de Visegrad coiffés d'un fès interpellent un ouvrier italien à propos de l'invasion de Tripoli. Aujourd'hui tout le monde musulman n'est pas soulevé car nous avons habilement mêlé notre ingérence à la rhétorique de la solidarité avec les "printemps arabes". Mais chacun en Méditerranée orientale sait ce que nos multinationales feront de l'or noir libyen. Pour cette raison tous encourageront M. Erdogan a reprendre pied en Libye, comme il se sont plus ou moins ouvertement félicités de voir M. Ahmadinejad reconquérir de l'influence en Irak face aux GI's. La concurrence des empires est bien embarrassante pour les peuples, mais c'est un pis-aller par rapport à l'hégémonie d'un seul.

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