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Le blog de Frédéric Delorca

Histoire des lieux (suite) : Soroca

20 Avril 2013 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Transnistrie

Soroca la moldave n'est pas en Transnistrie. Tant mieux. J'ai vu assez d'endroits tragiques en Europe de l'Est : Varsovie, Belgrade. Des endroits où il se trouve des gens pour vous raconter : ce quartier fut brûlé par les SS, cette discothèque était une synagogue. Je ne sais pas ce que les nazis ont fait à Tiraspol ou à Bendery. Et je n'ai pas envie de voir Berlin, la Berlin bobo d'aujourd'hui après avoir lu le récit des viols de 1945. J'aurais vu Soroca, puis j'aurais lu quelques années plus tard, la description que Malaparte (dans "Kaputt") fait de ce bordel de prostituées juives en 1941 (en faitun  bordel de jeunes filles ordinaires réquisitionnées pour "servir" aux soldats). Ce bordel qu'il a visité deux jours avant que les filles ne soient fusillées. J'aurais regretté d'avoir vu Soroca sans avoir lu ce passage. Et si je l'avais lu avant de voir Soroca, je me serais senti impuissant, comme je me sens souvent faible face aux rescapés des grandes tragédies de l'histoire.

 

Je sais c'est difficile à comprendre. Peu importe. En tout cas je suis las des lieux chargés de tragédie. Donc tant mieux si j'ai échappé à Soroca (qui n'est qu'à quelques kilomètres de la Transnistrie en amont du Dniestr).

 

On n'est jamais assez juste à l'égard de l'histoire des lieux. Surtout nous, Français, dont les lieux sont depuis presque un siècle moins tragiques que partout ailleurs. Tenez là à l'instant je pense au tableau "Massacre en Corée" de Picasso dont j'ai découvert l'existence par hasard ce matin. Tableau de 1941. Qui rend justice à l'histoire des lieux de Corée ?

 

L'Europe de l'Est n'a rien su faire de ses tragédies, sauf les renvoyer à la tronche des autres. En 2002, elle a soutenu la croisade de Bush. Histoire d'exporter les destructions endurées dans les années 1940 plus à l'Est, en Irak... Drôle de façon d'enterrer le passé. Rumsfeld appelait ça "la Nouvelle Europe". Une nouveauté qui se construit sur autant de cadavres, même pas sur des cadavres, sur du vide, le vide abomindable qu'a laissé leur disparition silencieuse, sans fleur ni couronne et même sans sépulture, voilà qui ne dit rien qui vaille. Il fallait être Rumsfeld pour vouloir faire des cadavres avec des cadavres, avec une telle bonne conscience. Et il fallait être con et lâche comme notre grande presse pour regretter que Chirac ne soit pas de cette fête macabre. Le néant qui hante l'histoire récente de l'Europe de l'Est est effrayant. Il fallait être Kusturica pour trouver à en rire. Je comprends mieux ce soir pourquoi le Caucase m'a paru mille fois plus peuplé que la Transnistrie, mille fois plus vrai. En Transnistrie, il n'y avait que des ouvriers et des fonctionnaires soviétiques (c'est à dire Russes, Ukrainiens, Kazakhs etc) venus occuper du vide avec leur travail. Il y a trop de vide dans ces coins là. Trop de balles et d'éclats d'obus dans la terre. Plus encore que dans notre Picardie. Trop de fantômes en vérité. Des fantômes sans noms. Ce sont des pays qui vous glacent le sang.

 

Au fait, encore un mot sur le bordel de Soroca. Il devrait passionner tous les gens qui s'intéressent au féminisme, et à ce qui réfléchissent sur les métiers de prostitution. On ne réfléchit jamais assez aux bordels de campagne..

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Le fou du roi des milieux financiers

19 Avril 2013 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Le monde autour de nous

(Bon ce garçon en avril 2012 annonçait un cac40 à 2000 en décembre et il s'est planté, mais il doit avoir raison sur "the dark side of the moon" même s'il oublie peut-être quelques facteurs) 

 

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Un grand moment d'ouverture au débat et de discussion rationnelle

18 Avril 2013 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Débats chez les "résistants"

Michel Onfray et Michael Paraire. Comment peut-on sortir le débat intellectuel des pièges de l'égo ?

 

 

 

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Habitus de classe et diplomatie révolutionnaire

18 Avril 2013 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #1910 à 1935 - Auteurs et personnalités

Il y a quelque chose d'étrange, je l'admets, dans le fait qu'aux deux premières ambassadrices de l'histoire on ait reproché leurs dépenses somptuaires (pourtant habituelles dans ce milieu), et spécialement leur investissement dans les robes. Ce fut le cas pour Alexandra Kollontai, la Russe, en 1926, et pour Rosika Schwimmer, la Hongroise, en 1918. C'est du moins ce qui ressort de publications occidentales des années 1920. Il se peut que j'accorde trop de crédit à ces publications mais je ne leur trouve pour l'instant pas de démenti circonstancié dans le camp opposé.

 

La question m'intéresse, parce que je trouve étrange que l'historiographie récente la dissimule. Pour moi il n'est pas anormal que des diplomates (femmes ou hommes) des années 1910-1920 aient gardé des éléments de leur "habitus de classe" (so to speak). Et il est possible que, à la base de cet habitus (qui peut ensuite évoluer vers d'autres imaginaires), des détermations génétiques aient poussé les femmes à aimer un peu trop les robes et les hommes un peu trop les chevaux, ce qui pourrait se discuter sur le terrain des sciences sociales et des sciences naturelles. Je ne vois pas pourquoi l'idéologie conduirait à occulter ce fait (si ce fait est vraiment confirmé, car je ne le trouve pas non plus dans les fiches biographiques de Rosika Schwimmer sur Internet).

 

Elle m'intéresse aussi parce qu'il y a là tout le problème de rapport de femmes aux révolutions menées dans des imaginaires patriarcaux, un peu comme celui que pose le livre de Roudinesco sur l'histoire de Théroigne de Méricourt en 1789-1793. La difficulté est flagrante pour Alexandra Kollontaï. C'est moins clair pour Rosika Schwimmer, qui n'était pas révolutionnaire (quoiqu'indubitablement pacifiste, suffragette et pacifiste). A-t-elle été suspendue de ses fonctions par la révolution soviétique de Bela Kun à Budapest ? Pas de réponse claire sur Wikipedia. Il faudrait reconstituer le puzzle.

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La difficulté de discuter sur les faits

17 Avril 2013 , Rédigé par Frédéric Delorca Publié dans #Débats chez les "résistants"

Discussion avec une militante socialiste belge ce soir à propos d'Alexandra Kollontaï sur Facebook :

 

"Elle : Alexandra Kollontai était punk, une affranchie aussi

Moi - Non se faire livrer des manteaux de pelisse achetés rue de la pompe à Paris aux frais de l'Etat soviétique quand le peuple russe crevait de faim c'est pas punk du tout.

Elle : -  Et en plus tu es mysogyne, classe ! Non mais je rêve !

- Non, ruiner un peuple qui creve de faim, qu on soit femme ou mec c'est pas punk

- N'importe quoi ! elle n'a pas ruiné la Russie, elle a participé à son rayonnement !

-  Ce que je dis est vrai j'ai toutes les archives.

-  Elle a contribué à l'émancipation des femmes. Elle a fait avancer la condition des femmes russes.

- En 1917 oui. Mais en 25 elle a mal tourné.

- C'est quand elle était ambassadrice ?

- Mais je suis d'accord sur le fait qu'en 17 elle avait raison

-  Elle n'a pas ruiné la russie, la seule a échapper à la mort des cadres communistes, par son intelligence et son talent.

- Elle a perdu son poste à Oslo à cause de ses dépenses somptuaires, c'est indécent. Tu dirais quoi si l'ambassadeur d'Ethiopie à Bruxelles était viré pour excès de dépenses somptuaires ?

-  Je dirai que tu es démago, poujadiste et calomnieux - attaquer la personnalité sur des rumeurs c'est pas digne.

- J'ai photocopié les archives du centre Marguerite Duras à paris, je suis inattaquable sur le sujet. Che Guevara lui refusait d'avoir une voiture avec chauffeur.

-  Je ne t'attaque pas. Tu es inattaquable. Tu sais tout. Tu lis tout.

- Pas du tout ce sont des journaux d'époque.

- Ce n'est pas plus fiable que d'autres sources.  Si tu te bases sur Minute, Libé ou le Figaro tu peux avoir des lectures différentes.

-  Tu crois qu'on l'a rappelée à Moscou pourquoi ? 3 fois ils ont hésité à la rappeler. Mais à la longue ils en ont eu marre.

- Parce qu'elle a été l'objet d'une campagne de diffamation.

- Mais non, tous les gens qui la croisaient disaient qu'elle avait des tenues sompteuses. C'était une aristocrate.

- Bon je ne suis pas à cours d'argument mais je vois qu'ils ne servent à rien. Tu continues à te baser sur les rumeurs et les coupures de journaux pour asseoir ta vérité historique. Dans deux minutes tu vas me ressortir ton diplome et ton intelligence

-  Tu sais que lorsqu'elle harrangait les marins communistes à Sebastipol, ceux ci qui répliquaient "hourra madame" et non "hourra tovaritch" parce qu'elle était si élégante qu'ils retrouvaient à son égard le vieux respect des serfs ? Je te cite des faits, pas des diplômes.

- Les faits de mes couilles, ils sont tronqués. Il n'y a pas de vérité historique.

- Elle était fille d'aristo, élevée dans la soie. C'est un fait objectif."

 

On a dans cette discussion tous les méfaits du relativisme, et de l'utilisation des disqualifications subjectives pour éviter d'examiner sérieusement les arguments présentés.

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