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Alep, les docus TV ouverts aux dissidents, l'Espagne, la fille qui connaît la Défense
Il est profondément douloureux de voir un pays de culture ancienne comme la Syrie tomber dans le chaos. Une guerre de tanks et d'artillerie dans une grande ville comme Alep (même si elle a été vidée de ses habitants) est une catastrophe qui va détruire pour longtemps tout ce qui faisait sa force et sa beauté. A cela s'ajoute l'horreur médiatique, ce mensonge institutionnalisé qui veut faire croire qu'il y a les bons et les mauvais dans ce combat, et que tout le mal incombé au régime dictatorial. En vérité c'est une très sale guerre, comme toutes les guerres civiles, avec des exactions énormes des deux côtés, et une guerre dans laquelle nous devrions être neutres, ce que nous ne sommes pas. Et dire que M. Sarkozy (je suis bien gentil de l'appeler "Monsieur") continue de verser de l'huile sur les flammes dans ce pays, même tout dépouillé de la fonction présidentielle qu'il se trouve. Un vrai nouveau José Maria Aznar. Pauvre homme !
Je n'épiloguerai pas, cela ne sert à rien. Une fois de plus l'opinion publique occidentale est piégée et désarmée. Et une fois de plus les rares petits collectifs qui tentent de faire de l'info alternative, comme celui que j'ai tenté d'aider en juillet se discréditent tout seuls : citoyens dormez sur vos deux oreilles et consommez.
Cet après midi il y avait un reportage sur la fin de l'URSS sur la chaîne parlementaire. Tranquillement parmi les intervenants ont donnait la parole à Chomsky qui disait qu'Eltsine était "un dictateur "alors que Gorbatchev eût pu amener la démocratie sociale à l'URSS, et que l'Ouest avait préféré à partir de 1991 soutenir la dictature. Ce soir Arte montrait un documentaire très favorable à la politique de nationalisation des multinationales par Castro après sa prise du pouvoir à Cuba. Est-ce parce qu'il s'agit dans les deux cas d'histoire "ancienne" qu'on donne la parole à la gauche sur ces sujets ? Je l'ignore.
De toute façon la gauche n'inquiète personne en ce moment. L'Espagne est en train de couler, et Izquierda unida n'est créditée que de 8,5 % selon les derniers sondages. La zone euro va peut-être se défaire sous le poids de mécanismes économiques un peu obscurs, et la gauche n'y aura été pour rien. Il faudrait que je vous parle de mon dernier déjeuner à la Défense avec cette femme dont je vous ai parlé en 2008. Elle travaille dans ces tours, voudrait publier un livre sur les gens (ses collègues) qui là-haut, décident des dégraissages d'effectifs en Inde ou à Shanghaï. Mais elle ne le fera pas. Parce que mon éditeur ne l'accueille pas à bras ouverts. Les égos, toujours les égos. Quand on ne leur offre pas le tapis rouge les gens se replient sur leur quant à soi. Dommage. Elle était probablement une des meilleures connaisseuses du capitalisme actuel, tel qu'il fonctionne tous les matins au dessus de nos têtes, avec toute sa bêtise et sa médiocrité, pas celui que filme Cédric Klapisch. One more missed opportunity...
L'Occident ne désarme pas
Le leitmotiv de l'émission C dans l'Air du 14 juin 2012 où intervenaient Christophe Barbier, Frédéric Pons, Gérard Chaliand et Jean-Dominique Merchet: "L'Occident désarme, le reste du monde s'arme". Ce thème était accompagné de l'idée que nous serions devenus des sortes de chérubins pacifistes pour qui la mort de soldats serait devenue insupportable.
D'une part le budget militaire étatsunien (qui est notre "parapluie" auquel nous déléguons notre défense) a régulièrement augmenté depuis cinq ans.
D'autre part les appels à la guerre incessants de nos médias, en particulier à l'égard de la Syrie, montrent bien que nos sociétés sont demandeuses d'interventions militaires.
Il faut souligner qu'en revanche les investissements du Tiers-Monde ou de ays émergeants procèdent d'effets de rattrapage, voire s'inscrivent en réaction à l'interventionnisme occidental. Ces dépenses ne présentent pas le même degré de dangerosité que celles des Occidentaux. Les investissements occidentaux sont ciblés sur de la haute technologie sur le volet des armes nucléaires, chimiques, bactériologiques, et des armes destinées à neutraliser le potentiel des adversaires (boucliers anti-missiles, drones, armes de sabotage informatique etc), qui sont beaucoup plus efficaces que le simple entretien d'une présence armée défensive sur un territoire vaste qui absorbe une bonne part du budget militaire de pays comme la Chine ou l'Inde.
Enfin il faut noter que l'interventionnisme militaire occidental direc et indirect implique le recours massif à des supplétifs (les milices libyennes payées par le qatar, l'armée afghane face aux Talibans, les milices tutsies dans l'Est du Congo etc) qui permettent d'occuper le territoire en économisant les ressources humaines de sa propre armée, sans oublier bien sûr toutes les formes de mercenariat officiel ou officieux comme Blackwater en Irak (ce qui pose ensuite la question de la dépendance des gouvernements occidentaux à l'égard de ces "clients" auxquels ils sont ensuite redevables).
Voilà qui invalide totalement le schéma simpliste et angélique d'un soi-disant "désarmement occidental" que nous vendent les marchands d'armes pour tenter d'enrayer le déclin des budgets militaires.
Le vrai problème est justement que la course aux armements généralisée se poursuit bien qu'en Occident il ne se reflète pas dans les masses budgétaires. Une telle compétition fait émerger des pôles nucléaires (l'Occident, la Russie, la Chine, l'Inde, et peut-être deux ou trois autres dans les années qui viennent dont peut-être le Brésil ou l'Iran si elle échappe à un bombardement occidental) qui ont intérêt en permanence à destabiliser les autres (par la désinformation, le sabotage, l'infiltration d'alliés, et l'entretien de guerres secondaires dans les sources d'approvisionnement en matières premières (Afrique, Proche-Orient). Ces pôles pourront de moins en moins tolérer en leur sein la pluralité du débat démocratique sur la légitimité de leur existence, quiconque nourrissant ce genre de débat étant susceptible d'être accusé de travailler pour les pôles rivaux. La France peut-elle se soustraire au pôle occidental et faire entendre sa propre voix (avec son propre système d'autodéfense, ce qui suppose aussi ses alliances propres) ? Personnellement j'en doute, d'autant que cela pourrait la conduire à construire son propre pôle qui n'aurait alors pas nécessairement vocation à être plus juste et plus "démocratique" que les autres avec lesquels il serait de nouveau en compétition...
Le Sahel, la Libye, l'Abkhazie, les Basques, la planète
Un mien camarade me signale un compte-rendu un peu douteux de propos que Richard Labévière aurait tenus à Alger récemment sur le Sahel - cf ici. Cela fait un peu complotiste sur les bords (sauf si notre ami journaliste a des éléments inédits pour étayer ses affirmations). Mais il se peut que ses propos soient déformés par le compte-rendu.
A l'inverse, du côté des dominants, sur le même sujet je trouve dans "Le dessous des cartes" (diffusé sur Arte aujourd'hui) une tendance tout à fait scandaleuse de M. Jean-Christophe Victor (cf vidéo ci-dessous) à banaliser l'éclatement des Etats sahéliens, en faisant comme si celui-ci résultait arithmétiquement de facteurs socio-économiques contemporains. Un phénomène presque naturel comme une tempête de sable en quelque sorte. Rien sur la folie des Occidentaux en Libye et du Qatar allié de Total de la Mauritanie au Mali...
Pour vous consoler de tant d'excès vous pouvez lire l'article fort intelligent du contributeur de l'Atlas alternatif Vijay Prashad à propos des prochaines élections en Libye ici.
A part cela, en ce qui me concerne je me réjouis d'avoir reçu un courriel d'une jeune étudiante abkhaze qui prépare dans une université française un doctorat en psychologie sur les représentations sur la valeur santé parmi les adolescents russe, français et abkhazes. Les Abkhazes comme beaucoup de peuples du Caucase sont des gens émouvants qui vivent sur un volcan en activité (et qui ont déjà payé un lourd tribut aux guerres). J'ai beaucoup insisté dans mon livre sur le mystère qu'ils représentent à mes yeux. Toute approche comparée entre trois peuples aussi différents que les Abkhazes, les Russes et les Français ne peut que faire progresser l'intelligence et la compréhension de notre époque. Je m'y étais essayé moi-même sur un mode un peu empirique. Le faire dans un cadre universitaire est encore mieux. Je ne m'étonne guère de voir qu'une femme aborde le problème par la santé. Le corps, l'ethics of care, c'est la manière la plus concrète et peut-être la plus profonde de prendre les choses.
Je lis des choses très angoissantes pour l'avenir de notre planète en ce moment. Sur la disparition programmée des métaux précieux, la déforestation, la faillite de notre modèle de consommation. Ces grandes considérations globales engendrent souvent des appels au dépassement des frontières, et au mépris des particularismes. C'est une erreur. Il faut tenir ensemble les préoccupations globales et les aspirations locales comme dans cette histoire des Basques qui tentent, après les Bavarois, de se doter d'une monnaie à eux en complément de l'euro. Ne devenons pas abstraits dans notre travail sur l'universel...
Salut à toi
Vie et littérature
A la radio ce matin le seul type au monde qui ait écrit un roman en hongrois sans être hongrois lui-même raconte comment il est devenu amoureux de la langue magyare jusqu'à en devenir un traducteur réputé. Il précise que l'amour ne lui est pas venu par l'entremise d'une personne mais par intérêt pur pour les structures grammaticales ce qui l'a mis à l'abri des déceptions ultérieures. Il explique comment la conjugaison de l'expression "je t'aime" en hongrois met mieux en valeur l'activité qu'elle désigne.
Voilà un homme qui a soumis sa vie à la nécessité du Verbe (pas de la Propagande, comme nos journalistes). Je me suis souvenus de mots hongrois qui restent au fond de moi. Deux seulement "Hocok Ter". Je préfèrerais qu'ils n'y fussent pas. Ou peut-être pas, au fond, allez savoir. Car s'ils n'y étaient pas, mon existence serait encore bien plus factice, je crois.
Autre forme de vie littéraire (mais qui s'ignore) : ce matin je dialoguais (en français précisons le) avec une jeune Egyptienne (23 ans) secrétaire à Alexandrie, musulmane fille d'une famille riche. Son histoire à la Roméo et Juliette. Elle est amoureuse d'un jeune homme pauvre (qui vit au Koweit aujourd'hui). Mais sa famille ne veut pas. Elle lui fait épouser un autre homme. Ils ont une petite fille en 2010. Mais la secrétaire manque de dynamisme au lit. Un rapport par mois ça ne suffit pas à cimenter un couple. Le divorce est au bout du chemin. La loi égyptienne assez protectrice permet à la jeune secrétaire de continuer à occuper la maison de son ex-mari après la séparation. Mais le père ne veut pas qu'elle reste seule. Il voudrait qu'elle vienne vivre chez lui Elle ne veut pas être la servante de ses frères et vivre avec leurs femmes. e drame. Au bureau ça ne va pas non plus. Le directeur lui fait des avances en permanence. La petite fille bavarde réclame toujours son père. La jeune maman est désemparée. Elle voudrait mourir. Elle met des clips de Cabrel sur son profil Facebook.
Le problème de cette fille ce ne sont pas les islamistes. Quand on lui demande si elle sort voilée elle se récrie "ce que vous croyez sur l'Egypte c'est en Araie Saoudique (sic) que ça se passe, pas ici. Ici il y a beaucoup de chrétiens par exemple". Quand on lui demande ce qu'elle pense de Aliaa Magda el-Mahdy (en lui envoyant le lien au cas où elle ne la connaisse pas) elle la juge "folle et bête". Les problèmes comme le danger islamiste sont bien abstraits pour elle. Elle est déjà confrontée à une difficulté bien plus poignante : l'incompatibilité avec une forme de vue littéraire (romantique) qu'elle a adoptée sous l'influence occidentale, et le vieux patriarcat proche-oriental. La voie féministe d'émancipation est sa seule chance de survie.