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Todd, le PS, la banque et l'Allemagne
Extrait d'une interview de Todd dans Marianne :
"La réforme bancaire a été neutralisée par la toute fraîche députée PS Karine Berger, qui, je cite Wikipédia, avait auparavant travaillé pour Euler Hermes, filiale du groupe allemand Allianz, aidée par son associée, Valérie Rabault, venue, elle, de la Société générale et de BNP Paribas. Ensemble, elles ont signé un livre au titre visionnaire : Les Trente Glorieuses sont devant nous.
On pourrait aussi citer des gens comme Emmanuel Macron, jeune secrétaire général adjoint de l'Elysée, venu de la banque Rothschild. Le passé de ces personnes, et sans doute leur avenir, à partir de 2017, quand il n'y aura plus qu'une poignée de députés PS à l'Assemblée, sont dans le système bancaire. L'opération « mains propres » est donc un scandale. (...) L'incarnation totémique du système français, c'est Michel Pébereau, devenu le parrain de ce petit monde. "
En revanche je suis en désaccord complet avec Todd sur l'Allemagne, à la fois quand il présente Merkel comme une simple fondée de pouvoir des banques (c'est une fondée de pouvoir de son électorat) et quand il lance des anathèmes délirants du genre "La social-démocratie allemande, historiquement et géographiquement, est dans la continuité du protestantisme, donc du nationalisme.", ou "Mais l'Allemagne, qui a déjà foutu en l'air deux fois le continent, est l'un des hauts lieux de l'irrationalité humaine. Ses performances économiques « exceptionnelles » sont la preuve de ce qu'elle est toujours exceptionnelle. L'Allemagne, c'est une culture immense, mais terrible parce que déséquilibrée, perdant de vue la complexité de l'existence humaine."
Armée et progressisme dans le Tiers-Monde selon Vijay Prashad
J'ai déjà dit du bien sur ce blog du livre de Vijay Prashad "Les nations obscures" (éditions Ecosociété). Et ce n'est pas parce que Prashad fut contributeur de l'Atlas alternatif (car je peux le dire aujourd'hui nous eumes aussi des contributeurs mauvais). Son livre apporte un éclairage de gauche, c'est à dire du point de vue de l'appropriation du pouvoir par le peuple, de la construction des nations du Tiers-Monde et c'est très précieux, car il se nourrit aussi aux sources de combattants de la liberté (comme les communistes sud-africains) aujourd'hui trop souvent oubliés.
A la différence d'Alan Blum, Prashad ne met pas sur le dos de l'impérialisme extérieur les échecs du Tiers-Monde. Il appelle aussi à une analyse des rapports de classes dans chaque pays et pour lui un Mobutu ou un Pinochet sont des éléments de l'impérialisme aussi, pas seulement ses jouets (et il insiste sur le fait que ceux-ci n'étaient pas seulement instruments des Etats-Unis mais qu'ils instrumentalisent aussi Washington).
Je recommande à ceux qui le liront les analyses de Prashad sur les coups d'Etat. Il montre notamment comment le rôle de l'armée dans les pays du Sud fut pensé par les hauts fonctionnaires comme un facteur de modernisation et de progrès pour renforcer des Etats archaïques. C'est très important car comme aujourd'hui, dans les années 50-60, ce n'était pas seulement une stratégie brutale et cynique du capitalisme qui était à l'oeuvre sous la houlette du Pentagone, il y avait aussi une forme d'aveuglement sur ce qu'était réellement le progrès social.
Prashad distingue finement les coups d'Etat de colonels et ceux de généraux, et montre comment des pays comme Cuba ou la Libye s'en sont protégés avec des systèmes de milices, qui ont à la fois diminué les risques de putsch (c'est le côté positif) et diminué le pluralisme de la société civile (ça c'est le négatif).
A l'heure où la France va dimininuer de 20 000 ses postes dans l'armée et où certains évoluent dans un imaginaire paramilitaire il est bon de s'en souvenir.
Je ne suis pas d'accord avec tout ce qu'écrit Prashad (certains détails sur la politique de l'URSS et de la Chine par exemple), mais il faut reconnaître que son livre est foisonnant et brillant. Je l'approuve aussi, bien sûr, sur la question des imaginaires racialistes et religieux qui aujourd'hui viennent suppléer le capitalisme. L'odieuse manifestation de 200 000 personnes au Bangladesh à l'appel d'Allama Shah Ahmad Shahi, pour réclamer notamment une nouvelle loi sur le blasphème, pour que «les athées soient pendus» le 5 mai, alors qu'on se serait plutôt attendu à une manif contre le patronnat onze jours après l'effondrement du Rana Plaza , l'a encore illustré récemment, voyez là-dessus l'article de Nazim Rochd dans Le Jour d'Algérie.
Por el suelo
Les exemples de traitement abject de l'actualité sont nombreux chaque semaine. On perdrait son temps à les relever. Mieux vaut détourner son regard, car la fange pousse vers la fange, et nous en sommes entourés de tous côtés. Quand on sait ce qu'est la Libye aujourd'hui, quand on sait ce que nous en avons fait, et ce que cela a provoqué tout autour de ce pays (au Mali notamment), on se dit qu'on n'aimerait pas être Charles Carrasco et avoir écrit cet article là sur Aïcha Kadhafi le 13 avril dernier. Il y a des façons de s'acharner, et de s'acharner lourdement en feignant d'ignorer l'arrière-plan, qui ne sont pas belles, pas belles du tout, qui ne grandissent ni une profession ni une époque. Les Charles Carrasco d'aujourd'hui sont les Piotr Smolar d'hier, les Alexandre Adler, Nathalie Nougayrède et Christophe Châtelot d'avant hier. Toujours différents et toujours les mêmes, d'un lustre à l'autre. Il manque à tout ces gens un "je ne sais quoi", comment dire ? Allons, parlons d'autre chose, on abime son clavier à parler de cela.
Agenda personnel, Bangladais et Rohingyas
J'ai renoncé à mon projet de voyage en République populaire démocratique de Corée cet été, que je remplace par la rédaction d'un ouvrage de philosophie inspiré par mes amis chomskyens sur Facebook. Un livre testament - je passe mon temps à écrire des testaments dans tous les domaines depuis cinq ans. Je me fous du qu'en-dira-t-on plus qu'il y a 3 ans, et m'en foutrais encore plus si mon livre bilan sur 15 ans d'activiste n'était en attente de publication chez 4 éditeurs (Losange, Amsterdam, Delga, et un quatrième dans l'Ouest de la France dont j'ai oublié le nom), et mon bouquin sur mes trois dans en Seine-Saint-Denis chez deux éditeurs (Michalon et Forges de Vulcain). Pour rendre service à un pote journaliste j'ai demandé à Parutions.com de commander "Le vilain petit Qatar" et je leur ai demandé aussi "La théorie du drone" et "Virgules en trombe" d'une écrivaine algérienne.
Je tâte un peu le terrain pour une candidature aux municipales en Béarn (ça c'est mon daimon politique voire politicard, pour reprendre une métaphore socratique, qui me tire par les pieds, comme dirait Annie Cordy). J'ai toutefois conscience que mes chances sont fragiles, surtout dans une région si peu sensible aux mouvements du monde. Ce serait purement donquichottesque, mais à 43 ans il faut bien s'amuser un peu.
J'ai échoué à sensibiliser mon entourage au problème de la position de l'OFPRA sur la question des réfugiés bangladais. Le drame du Rana Plaza, si bien commenté par l'immense Vijay Prashad (contributeur de l'Atlas alternatif) aurait pourtant pu y aider. Les gens ne saisissent l'enjeu que sous l'angle du consumérisme. Le commentaire le plus con dans cet optique je l'ai trouvé sous la plume d'un avocat francilien sur Facebook : "Payons nos jeans plus cher, pour avoir la garantie que les salariés bangladais seront mieux protégés". Quelle ineptie ! Les vêtements Benetton sont chers ! Payer cher ne garantit rien du tout.
Enfin quand même le Bangladesh second exportateur de textile du monde, ça laisse rêveur... Le Bangladesh grande usine à ciel ouvert. Les libéraux diraient : voilà la prospérité d'une nation en marche, à la génération suivant ils seront riches ! Sans doute. Si leurs syndicats, comme chez nous dans les années 30, font ce qu'ils faut pour exiger la redistribution. Donc plutôt que d'attendre que nos multinationales donneuses d'ordres aillent fliquer leurs soustraitants aidons plutôt les syndicats bangladais à agir ! N'est-ce pas Mme Quitterie de Villepin ?
Tenez puisqu'on parle de l'Extrême-Orient, un type pas très sérieux que j'ai interviewé du temps de la mobilisation en France pour les Rohingyas de Birmanie l'an dernier m'a envoyé un SMS. Voilà qui m'a rappelé que ce peuple "le plus mal traité du monde" selon certains experts n'émeut toujours personne dans l'intelligentsia française...
Le 9 mai à Soukhoumi
Hier en Abkhazie, on fêtait le 9 mai, anniversaire de la victoire du monde sur le régime national-socialiste allemand. Il y avait une banderole près de la statue du Soldat inconnu qui disait "les héros de cette guerre nous n'oublierons jamais" et des vieux vétérans de la seconde guerre mondiale (dans ce pays du Caucase qui se vante de battre des records de longévité). Il y avait une petite fille à moitié turque qui donnait une fleur aux anciens combattants.
A Tbilissi, capitale de la Géorgie qui prétend reconquérir la province sécessionniste abkhaze, le 9 mai fut aussi fêté. Avec plus de ferveur ou moins ? Je ne sais pas.
L'esthétique du Putsch
Un petit parti souverainiste s'est débarrassé il y a peu d'un cadre dont on me dit qu'il avait un imaginaire "paramilitaire". Et je lis dans Marianne que Copé parle de mai 58 et que Sarkozy rêve de coup d'Etat. François Hollande devrait y prendre garde : mediocritas audaces juvat. A force de priver le pays de tout élan, de toute perspective, et tandis que les institutions publiques comme l'école s'avilissent et ne parviennent plus à structurer des esprits, beaucoup de cerveaux un peu faibles pourraient devenir aventureux, à l'image des cinglés américains (ou djihadistes) qui tirent dans les foules, ou des nostalgiques de la guérilla... Et du côté du Front de gauche il est urgent aussi de définir une alternative révolutionnaire légale un peu plus ouverte, intelligente et moins narcissique que celle que l'on nous propose en ce moment...
Le petit théâtre de Yahoo !
En ce jour de manif du Front de gauche à Paris (allez-y), les chiens de garde tiennent bon. Yahoo.fr sur Internet assume ce rôle sans complexe. A propos du Venezuela il titre : "Nicolas Maduro insulte Obama" et sous-titre "Ca commence mal". Oh la la ben dis donc, il a osé insulter notre gentil Obama, bouh le méchant ! En fait Nicolas Maduro a qualifié le président des USA de "grand chef des diables" (oh l'insulte affreuse).
Pour faire bonne mesure Yahoo explique que Marine Le Pen et Mélenchon sont jugés "sectaires" par 60 % des français. Ouf ! Les équations sont bien en place FN=FdG --> votez UMP/PS...
Bon vous avez raison à quoi bon faire de la pub pour Yahoo ? Le problème c'est que beaucoup d'usagers de moteurs recherches tombent sur les "Une" débiles de Yahoo. Et comme ils n'ont pas de droit de réponse, essayons de répliquer un peu sur les blogs. Allez messieurs de la multinationale Yahoo, changez un peu vos habitudes, faites votre gros titre sur la marine privée financée par vos amis de Glencore au Puntland en Somalie, et parlez nous un peu des poursuites judiciaires contre Glencore en Suisse. Glencore sont-ils juste un peu "sectaires" ou un peu plus que ça ?
Lecteurs sortez du théâtre d'ombres, sortez de la caverne !
Albert Camus, le nihilisme intellectuel, la recolonisation
Le publiciste Michel Onfray ayant récemment craché sur le combat du FLN (mais diable qui est ce type pour se permettre cela lui qui n'a mouillé sa chemise pour défendre aucun peuple victime sauf le notre pendant la campagne referendaire sur le traité constitutionnel européen !) et voulu réhabiliter Camus, je préciserai juste en deux mots ma position sur la phrase de ce dernier auteur "Entre la justice et ma mère je choisis ma mère"?
Je comprends qu'il est humainement un peu difficile pour un homme dont la famille est impliquée dans une guerre de garder une hauteur de vue. Selon moi un auteurqui se sent définitivement trop impliqué affectivement dans un conflit où la justice n'est pas de son côté, il doit définitivement renoncer à par en tant qu'intellectuel, puisque l'intellectuel doit parler pour l'universel. Le message "je choisis ma mère" est un message nihiliste. Les nazis auraient pu dire la même chose (ou Le Pen "je préfère ma soeur à moi cousine" etc) et il est clair qu'au minimum, comme le dit Kateb Yacine ci-dessous, Camus aurait dû donner la parole à tout le monde dans ses livres, notamment aux "musulmans" (dans mon livre sur l'Abkhazie, malgré mes liens affectifs avec les Abkhazes qui m'ont invité, j'ai aussi donné la parole aux Géorgiens leurs ennemis, quand il y a un doute sur la justice c'est un minimum).
De toute façon le fantasme de recolonisation de l'Algérie qui travaille la propagande pro-Camus en ce moment est connu (voir le débat sur le "caravane Camus" par exemple). C'est un contexte à prendre en compte, même si, dans l'affaire qui nous préoccupe, mon propos est surtout de souligner le problème d'articulation entre universalité du jugement et particularité des situations affectives.